Avec "Le discours d'un roi", les Oscars jouent la tradition contre l'audace

AFP

Hollywood (Etats-Unis) - En préférant dimanche le classicisme du "Discours d'un roi" à l'audace de "The social network", les Oscars prouvent une nouvelle fois leur attachement à la tradition et leur difficulté à s'adapter aux jeunes générations, qu'ils veulent pourtant séduire.

Avec
"Le discours d'un roi", de Tom Hooper, qui retrace la victoire du roi britannique George VI sur son bégaiement, à la veille de la seconde guerre mondiale, avait tous les ingrédients pour plaire aux quelque 5.700 votants de l'Académie des arts et des sciences du cinéma.

Un personnage principal qui parvient, au prix d'efforts surhumains, à surmonter son handicap, un contexte historique puissant, juste ce qu'il faut d'excentrisme et un rô le taillé sur mesure pour faire briller l'acteur principal: les valeurs traditionnelles des Oscars sont respectées.

Mais à l'heure où l'Académie fait tout son possible pour attirer les jeunes générations devant la cérémonie télévisée, un tel choix peut surprendre, surtout lorsqu'un film comme "The social network" était en lice.

Le film sur la naissance de Facebook, signé David Fincher -- probablement l'un des meilleurs réalisateurs hollywoodiens de sa génération -- était sans doute plus en phase avec l'air du temps que son royal concurrent et témoignait, de la part de Sony, d'une audace peu commune chez les majors hollywoodiennes.

Il n'était pas évident, en effet, de rendre palpitant un sujet a priori aussi peu visuel que la création d'un site internet par des étudiants...

La bonne idée a été d'engager pour rédiger le scénario Aaron Sorkin, qui a d'ailleurs remporté l'un des trois Oscars décernés au film. Scénariste de la série télévisée "A la Maison Blanche", Sorkin a su extraire du livre de Ben Mezrich "La revanche d'un solitaire, la véritable histoire du fondateur de Facebook", la matière nécessaire pour livrer un drame pétri d'ambitions, de trahisons et de vengeances, apte à captiver le public.

L'autre audace de Sony est d'avoir choisi David Fincher pour réaliser le film, l'un des rares cinéastes à avoir un droit de regard sur le montage final de ses films -- avec les risques que cela comporte pour un studio.

Spécialiste des thrillers, un genre apprécié du jeune public, le cinéaste a su mettre sa virtuosité technique au service de l'histoire.

Enfin, dernière audace du studio: son feu vert à un casting dépourvu de stars, si ce n'est le chanteur-acteur Justin Timberlake.

Le risque a payé et le film a rapporté à ce jour plus de 214 millions de dollars dans le monde -- dont près de 100 millions en Amérique du Nord.

Tous ces éléments semblaient prédestiner "The social network" à incarner ce virage que l'Académie souhaite tant opérer en direction des jeunes générations, surtout en cette année où les Oscars -- ironie de l'histoire -- avaient résolument investi les réseaux sociaux Facebook et Twitter.

Un virage également illustré par la présentation de la soirée, confiée aux acteurs Anne Hathaway et James Franco, avec pour mission de donner un coup de jeune à la cérémonie -- même si le organisateurs, semblant vouloir ménager la chèvre et le chou, avaient aussi convié Billy Crystal, un vétéran du show.

Les premiers commentaires, dimanche soir, n'étaient guère flatteurs pour le jeune duo. Roger Ebert, l'un des critiques cinéma les plus respectés aux Etats-Unis, a qualifié la soirée de "douloureusement triste, lente et sans esprit", déplorant le peu d'alchimie entre les deux artistes. "C'est la pire cérémonie des Oscars à laquelle j'ai assisté", a-t-il conclu.

Les commentaires des téléspectateurs sur le site internet du Los Angeles n'étaient guère plus tendres. L'internaute Nobleone a ainsi trouvé la soirée "atroce, digne d'un spectacle de lycée".


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :