Bettencourt: Sarkozy chez le juge à Bordeaux aux fins d'une mise en examen
AFP
Bordeaux - L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy est arrivé peu avant 09h15 jeudi au Palais de Justice de Bordeaux pour son audition aux fins d'une mise en examen par le juge Jean-Michel Gentil et ses collègues en charge de l'affaire Bettencourt.
M. Sarkozy, arrivé à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac par un vol privé, circulait à bord d'une Renault Espace gris foncé, suivie de deux motos transportant des policiers en civil, tandis qu'une seconde voiture de sa suite est arrivée quelques minutes plus tard par l'autre côté de la rue.
Alors même que l'ex-chef d'Etat laisse planer le doute sur son éventuel retour en politique, mais qu'il apparaît très largement comme le préféré des sympathisants de l'UMP pour représenter le parti à l'élection présidentielle de 2017 - à en croire un sondage CSA pour BFMTV publié jeudi, qui le place avec 52% largement devant François Fillon (24%) et Jean-François Copé (15%) - il resterait à mesurer l'impact que pourrait avoir une mise en examen sur cet avenir.
Son audition, qui met fin à trois semaines d'attente des journalistes sur les trottoirs du Palais de Justice de Bordeaux, se déroule en tout cas en plein chaos à l'UMP. Ce, à quelques dizaines de mètres de la mairie de Bordeaux occupée par l'ancien ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé, dont le candidat malheureux à la présidence du parti, François Fillon, a réclamé mercredi la médiation pour sortir l'UMP de la crise, médiation rejetée sèchement jeudi par Jean-François Copé.
Mais il paraît improbable que l'ancien président et M. Juppé se rencontrent à l'occasion de cette venue de M. Sarkozy à Bordeaux.
Le juge et ses collègues, Cécile Ramonatxo et Valérie Noël, veulent entendre M. Sarkozy, après avoir recueilli des éléments leur permettant de soupçonner un possible financement illicite de sa campagne de 2007, voire des remises de fonds ultérieures, grâce à de l'argent de Liliane Bettencourt.
Les juges veulent savoir si M. Sarkozy a pu toucher de l'argent directement, la remise d'enveloppes de billets à des hommes politiques ayant été, à en croire certains membres du personnel, une habitude bien ancrée chez les Bettencourt, du vivant de l'ancien ministre André Bettencourt, décédé en novembre 2007.
Ils veulent aussi déterminer si ses activités politiques ont pu être aidées par une partie des quatre millions d'euros en liquide que l'ancien homme de confiance des Bettencourt Patrice de Maistre a fait revenir depuis un compte suisse des milliardaires de 2007 à 2009. MM. de Maistre et Eric Woerth, l'ancien ministre et ex-trésorier de campagne de M. Sarkozy en 2007, ont déjà été mis en examen dans cette affaire.
Les juges voudront aussi demander à M. Sarkozy pourquoi il a paru surveiller de si près l'évolution du dossier Bettencourt, semblant notamment recevoir à huit reprises, de 2008 à 2010, l'ex-procureur de Nanterre Philippe Courroye, initialement en charge de cette affaire.
M. de Maistre a pour sa part déjà justifié auprès des juges cet intérêt du président par l'aspect stratégique pour l'économie française du groupe l'Oréal, qui pèse 62,5 milliards d'euros et dont le groupe suisse Nestlé est le deuxième actionnaire après les Bettencourt avec 30% des parts.
C'est la seconde fois qu'un ex-président de la Ve République doit faire face à la justice, après Jacques Chirac, impliqué dans différentes affaires d'emplois fictifs, au RPR et à la mairie de Paris. M. Chirac avait été entendu pour la première fois en juillet 2007, à son bureau de la rue de Lille, par le juge Alain Philibeaux, comme témoin assisté. Il avait été mis en examen à deux reprises, en novembre 2007 et en décembre 2009, avant d'être condamné le 15 décembre 2011 à deux ans de prison avec sursis, alors que le parquet avait requis une relaxe.
Selon son entourage, Nicolas Sarkozy était très confiant avant cette audition, poursuivant normalement ses activités : l'ancien président était ainsi mercredi à Londres pour une conférence.
D'autres ennuis judiciaires pourraient cependant guêter l'ex-président. Une enquête préliminaire sur les sondages commandés par l'Élysée pendant sa présidence a en effet été ouverte, tandis que deux autres enquêtes sur de possibles financements occultes de campagne électorale, la sienne, en 2007, et celle d'Édouard Balladur, en 1995, pourraient le menacer.