"Biutiful": Javier Bardem, magistral, dans le nouveau mélodrame d'Inarritu

AP

Paris - Depuis son premier film, "Amours Chiennes", jusqu'à "Babel", primé au Festival de Cannes, en passant par "21 Grammes", Alejandro Gonzales Inarritu s'en était toujours tenu au même schéma: trois destins croisés, trois parcours de vie, relatés par bribes, reliés par un fil narratif totalement déconstruit dans le temps et dans l'espace. A chaque fois, les scénarios étaient signés par Guillermo Arriaga, et les films salués pour leur grande originalité.

Javier Bardem
Javier Bardem
Mais après trois long-métrages et dix années de collaboration, le cinéaste mexicain a désormais a décidé de travailler en solo, sans la complicité d'Arriaga, pour raconter une histoire apparemment simple. Fini les flash-backs et les figures de style scénaristiques. Exit les tournages en plusieurs langues sur trois continents. Co-ecrit avec deux autres scénaristes, Armando Bo et Nicolas Giacobone, "Biutiful" (sortie mercredi dans les salles en France) suit le quotidien d'un seul personnage, Uxbal, dans une seule ville, Barcelone, le tout dans la langue d'Inarritu, l'espagnol.

Mais s'il y a rupture sur la forme, le réalisateur devenu scénariste ne renie pas ses thèmes de prédilection: la perte et l'abandon, la culpabilité et la rédemption, avec toujours en filigrane, le phénomène de l'effet papillon. Pour incarner ces obsessions, Alejandro Gonzales Inarritu a choisi un immense acteur, Javier Bardem, magistral dans un rô le d'homme à la dérive, hanté par la mort.

Barcelone, de nos jours, dans ces quartiers pauvres et populaires où les touristes ne vont jamais. Uxbal (Javier Bardem) survit grâce aux combines et aux magouilles pour le compte d'entrepreneurs véreux. Entre son ex-femme maniaco-dépressive, ses deux jeunes enfants, et les travailleurs clandestins qu'il emploie et sous-traite, sa vie n'est qu'une suite de soucis, sans l'ombre d'une sortie de secours. Chaque jour, Uxbal se sent un peu plus faible, plus malade et plus démuni face au monde qui l'entoure. Face à la misère qui menace son foyer, à la mort qui rô de autour de lui, il cherche en vain des solutions dans un monde corrompu, quitte à commettre de terribles erreurs.

"Certains films vous entraînent vers des territoires dont on craint ne jamais revenir. 'Biutiful' est un de ces films", confie Alejandro Gonzales Inarritu. "Je l'ai écrit en pensant à Javier Bardem et je ne pourrais pas être plus fier du travail que nous avons accompli ensemble."

Dans le film d'Inarritu, il y a des scènes criantes de vérité sur le calvaire des clandestins, des moments d'intimité familiale bouleversants, et des passages profondément oniriques, à la frontière du fantastique, et pourtant tout le secret, toute la beauté de "Biutiful" découlent de cette collaboration entre Inarritu et Bardem, de cette incarnation parfaite d'un personnage par un acteur. Le temps d'un film, Javier Bardem est Uxbal, un homme en chute libre, confronté à la violence de sa présente vie et la probabilité de sa prochaine mort.

La caméra ne le quitte presque jamais. Elle capte toutes les nuances de son jeu, une performance contenue, intense, sans subterfuge. Javier Bardem porte son personnage et le film tout entier, sans jamais tomber dans le pathos, malgré un rô le plombé, affublé de tous les maux de la terre, de toute la misère du monde. Car là où Inarritu pêche par l'excès, force sur le mélodrame et tire sur la corde sensible, Bardem résiste, se retient et reste digne, ancré dans le juste, le réel.

Pour ce rô le dans "Biutiful", l'acteur espagnol a remporté cette année le prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes. "Biutiful", pour sa part, vient d'entrer dans la course aux Oscars 2011.


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :