Bush fait ses adieux et donne des conseils à Obama

Le Point.fr/Patrick Sabatier

La seule chose qui manquait jeudi à la Maison-Blanche était une banderole " Mission accomplie ", a remarqué en persiflant le présentateur de la chaîne câblée MSNBC, Keith Olbermann commentant les adieux de George W.Bush devant 200 invités réunis dans le Salon Est de la Maison-Blanche.

Bush fait ses adieux et donne des conseils à Obama
La cérémonie a été pour le président sortant une nouvelle occasion de revendiquer, sur le ton du défi, un bilan " globalement positif " pour ses huit années au pouvoir. Vous pouvez être en désaccord avec les décisions que j'ai prises, a expliqué W. aux Américains qui ont suivi son allocution de treize minutes à la télévision, mais " il ne peut pas y avoir débat sur le résultat : voilà plus de sept ans que l'Amérique vit sans avoir connu d'autre attentat terroriste sur son sol " .

Le seul critère sur lequel le Président qui avait déclaré la " guerre au terrorisme " au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 entend être jugé est celui de la sécurité nationale. Sur ce point, il estime visiblement avoir accompli sa mission et semble persuadé que les historiens finiront par lui en faire crédit. Si les terroristes islamistes ont été incapables de frapper de nouveau l'Amérique, a-t-il affirmé, c'est en raison de l'amélioration du renseignement, de la création du département de la Sécurité intérieure et des frappes militaires à l'étranger pour y détruire les sanctuaires terroristes. " Nos ennemis sont patients, et résolus à frapper de nouveau ", a-t-il prévenu en guise d'au revoir aux Américains et à son successeur Barack Obama. " Nous devons éviter toute complaisance, poursuivre notre détermination, et ne jamais baisser la garde " car " le terrorisme demeure la menace la plus sérieuse " qui pèse sur les États-Unis.

C'est le message qu'il tente de faire passer depuis le début de l'année, en multipliant entretiens et discours. C'est aussi celui que répète son vice-président, Dick Cheney et que les commentateurs conservateurs reprennent en choeur. Tous veulent croire que le 43ème président sera réhabilité par l'Histoire, en dépit du fait qu'il quittera le 20 janvier la Maison-Blanche avec le taux de popularité le plus bas (27% d'opinions favorables) enregistré depuis que Richard Nixon a été contraint à la démission en 1974 après que le scandale du Watergate a révélé ses abus de pouvoir. Ils rappellent le précédent du président Harry Truman, très impopulaire quand il avait quitté le pouvoir en 1953 en pleine guerre de Corée, mais dont la politique de barrage à l'extension du communisme a par la suite été reconnue comme efficace et visionnaire.

Un double-mandat sous le signe du 11 septembre

Le double mandat de George W. Bush a tout entier été placé sous le signe tragique du 11 septembre 2001. La " guerre au terrorisme " a été sa préoccupation principale, voire obsessionnelle, en même temps que son argument politique maître. Toutes les décisions qu'il a prises, et qui se sont soldées par des échecs ou ont soulevé des controverses et creusé son impopularité aux Etats-Unis comme dans le monde entier, ont découlé directement des attentats de 2001 : guerres en Afghanistan et en Irak, création de la prison de Guantanamo pour y enfermer sans procès les suspects de terrorisme, autorisation de la torture, estension de la surveillance électronique à l'intérieur du pays, extension des pouvoirs de la Maison-Blanche et conflits diplomatiques avec les alliés en raison de l'unilatéralisme de sa politique étrangère. Jeudi, Bush a dit qu'il avait eu chaque matin à l'esprit l'impératif de garantir la sécurité nationale, alors même que la plupart des Américains avaient retrouvé une vie normale.

Il admet certes avoir subi " des échecs " (sur lesquels il ne s'étend pas) et qu' " il y a des choses que je ferais autrement si c'était à refaire " . Mais il se justifie en affirmant " avoir toujours été guidé par l'intérêt supérieur du pays, suivi ma conscience, et fait ce que je pensais être le bien " , à partir de la conviction qu' " en ce 21ème siècle, notre sécurité et notre prospérité dépendent de l'extension de la liberté dans le monde " . Le problème est, comme le rappellent ses critiques, qu'en matière de direction de l'État et de stratégie internationale, la bonne foi ne suffit pas. La route de l'enfer peut être pavée de bonnes intentions, et les reproches faits à l'administration Bush visent encore davantage son incompétence, son aveuglement et son inconséquence, en Irak comme devant l'ouragan Katrina, que ses objectifs politiques.

Au moins aussi notable que ce qu'il a dit dans son plaidoyer est évidemment ce que Bush a préféré taire: ben Laden court toujours, la nébuleuse terroriste d'al Qaeda s'est reconstituée, le terrorisme islamiste s'est étendu, l'instabilité au Pakistan et le conflit au Moyen-Orient se sont aggravés, l'hostilité à l'encontre des Etats-Unis s'est généralisée, la prolifération nucléaire se poursuit (en Iran en particulier), la lutte contre le changement climatique est en panne. Surtout, l'économie américaine traverse la crise la plus grave depuis la Grande Dépression, menaçant d'entrainer avec elle toute l'économie mondialisée, ce qui peut déboucher à terme sur des menaces graves pour la sécurité nationale des États-Unis que Bush se targue d'avoir si bien protégée...

Les mêmes ennemis qu'hier

Il n'en reste pas moins vrai que son successeur, après avoir fait campagne en attaquant sans nuances le bilan de Bush, semble vouloir reprendre et prolonger pour une bonne part sa politique de guerre au terrorisme. Lors d'un entretien publié par le Washington Post vendredi matin, Obama a confirmé que la sécurité nationale serait, avec la lutte pour l'emploi, la priorité de son administration. En Irak, il va mettre en oeuvre la réduction graduelle des forces américaines à laquelle Bush s'est engagée (et qui peut s'étendre sur trois ans). En Afghanistan, il va poursuivre et intensifier la guerre déclarée par Bush en 2001.

Il ne parle pas de remettre en cause les programmes de surveillance électronique des communications mis en place sous son prédécesseur (et qu'un tribunal fédéral vient d'ailleurs de déclarer légal). S'il promet toujours de fermer Guantanamo, il se donne quatre ans pour le faire, selon ses déclarations au Washington Post . Et il fait la sourde oreille aux appels de ceux de ses partisans qui veulent le pousser à engager des poursuites contre les membres de l'administration sortante pour leurs actions dans la guerre contre le terrorisme. Pour George W.Bush, c'est probablement la seule consolation: Barack Obama n'aura sans doute guère d'autre choix que de reprendre les armes qu'il lui a laissées pour combattre des ennemis qui n'ont pas changé.


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