Canada : Rien de nouveau au Nunavut
courrierinternational.com/John Amagoalik
Dix ans après la création du territoire autonome, la situation des Inuits ne s'est pas améliorée. Ottawa les ignore et n'a rien entrepris pour favoriser une administration locale. Le drapeau du Nunavut fut proclamé le 1er avril 1999, en même temps que la création du territoire de Nunavut (Canada).
Il y a dix ans, tous voulaient être présents pour l'inauguration du territoire du Nunavut, à Iqaluit [la capitale] : la presse internationale, le Premier ministre et son ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nombreux étaient les hommes politiques qui cherchaient à s'attribuer le mérite de la création du premier gouvernement d'envergure comprenant une majorité de législateurs aborigènes. Mais qu'est devenu le Nunavut depuis le départ des caméras et des gros bonnets ?
Au cours de ses dix années d'existence, le Nunavut a été témoin :
• de la persistance et, dans certains cas, de l'aggravation des problèmes socio-économiques, notamment l'insalubrité et le surpeuplement des logements (les pires chiffres au Canada) – d'où une épidémie de tuberculose endémique –, d'un taux de chômage extrêmement élevé et d'un taux d'obtention du diplôme d'études secondaire de seulement 25 % ;
• des efforts considérables des pouvoirs législatif et exécutif qui, en collaboration avec diverses organisations de représentation des Inuits, ont cherché à résoudre certains problèmes complexes et profondément enracinés ;
• de l'intérêt croissant à travers le monde pour l'Arctique qui, dans le contexte du changement climatique et de revendications territoriales concurrentes pour les ressources naturelles enfouies dans son sous-sol, acquiert une importance capitale.
Pendant les dix années qui se sont écoulées depuis la création du territoire, l'indifférence du gouvernement fédéral, quant au bien-être des Inuits du Nunavut, est devenue flagrante. Ottawa a ignoré un rapport du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers affirmant que le gouvernement déboursait 65 millions de dollars canadiens [39 millions d'euros] chaque année pour maintenir un service public temporaire plutôt que de former des Inuits sur place. Ce manque d'investissement dans la formation et l'éducation des Inuits n'améliore pas la situation à court terme et sape les perspectives de progrès à long terme. Lorsqu'ils prononcent un discours au Nunavut, les ministres du gouvernement fédéral et le Premier ministre omettent systématiquement toute référence aux Inuits, qui forment pourtant la majorité des résidents. On parle d'"habitants du Nord" [Northerners], comme s'il était inutile ou embarrassant d'évoquer la majorité aborigène. Il est impossible d'imaginer des ministres du gouvernement fédéral s'adressant par exemple aux habitants du Québec sans jamais parler français ou reconnaître la majorité et la culture francophone de la Belle Province. Le "fait inuit" au Nunavut est tout aussi incontestable que le "fait français" au Québec.
Le gouvernement canadien aime bien donner des leçons de morale aux gouvernements étrangers et citer le Nunavut comme un exemple de "comment les choses doivent être faites". Dix ans après la naissance du Nunavut, on a le droit de s'attendre que le gouvernement canadien démontre que son engagement va au-delà du prestige d'une simple photo-souvenir.