Centrafrique: les Français lancent le désarmement des milices à Bangui

AFP

Bangui - Les soldats français ont entamé lundi à Bangui le délicat désarmement des milices et groupes armés promis par Paris pour rétablir la sécurité en Centrafrique.

L'annonce du début de l'opération a été faite par l'état-major français, selon lequel "les choses se passent plutôt bien".

"Nous savions que nous pouvions aller sur quelque chose de très dur, je crois qu'en face ils l'ont compris", a affirmé le porte-parole de l'état-major, le colonel Gilles Jaron.

"En face", c'est-à-dire chez les combattants de l'ex-rébellion Séléka, le message très ferme du gouvernement français --"l'impunité est finie!"-- semblait donc avoir été entendu lundi.

Ces hommes en armes, qui il y a quelques jours étaient partout dans Bangui, déambulant à pied ou sillonnant les rues à bord de pick-up bondés, étaient presque invisibles dans les rues, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Certains ont tombé l'uniforme pendant la nuit. D'autres, privés de leur kalachnikov, affichaient une mine défaite.

"Sur certains points, les groupes armés ont décroché et sont rentrés dans leurs casernes, sur d'autres, ils ont déposé les armes", a précisé le colonel Jaron.

Bref échange de tirs

Un bref échange de tirs a éclaté en fin de matinée près de l'aéroport M'Poko, ont constaté des photographes de l'AFP. "Il y a eu un tir et une riposte", a précisé l'état-major, selon lequel les soldats n'ont "rien retrouvé" après l'incident.

La veille, la Défense avait fait état d'une "tension" palpable entre soldats français et certains groupes armés dans les rues de la capitale.

L'opération de désarmement vise expressément les combattants de l'ex-Séléka, coupables de nombreuses exactions ces derniers mois -pillages, exécutions sommaires- sur la population.

Haïs des habitants, qui les voient le plus souvent comme des "occupants" venus du Tchad et du Soudan voisins, les ex-Séléka -majoritairement musulmans- sont les seuls à déambuler en armes dans la capitale, face aux milices d'autodéfense villageoises "anti-balaka" (anti-machettes), présentes en brousse ou infiltrées dans les quartiers.

Des soldats congolais, tchadiens et guinéens de la force africaine, la Misca, participent de façon autonome à ces opérations de désarmement dans Bangui, toujours selon l'état-major français.

Dimanche en fin de journée, un imposant convoi de blindés français, arrivé par la route depuis le Cameroun, est encore venu renforcer le dispositif français à Bangui, contribuant sans doute un peu plus à saper le moral de certains combattants, alors que les hélicoptères de combat français n'ont cessé depuis dimanche soir de tournoyer au-dessus de la ville.

Après les dernières journées d'horreur, l'odeur insoutenable de cadavres en décomposition persistait dans des quartiers où la Croix-Rouge locale n'a pas pu pour le moment ramasser les corps. Près de 400 personnes ont été tuées depuis jeudi dans une offensive des milices anti-balaka, suivie des représailles sanglantes de l'ex-Séléka.

Une commerçante raconte: "on a recommencé à sortir parce que les Français sont là. On était resté dans les maisons et les cases. On a faim. Il faut que les Français fassent partir les Séléka".

Si les armes ne se voient plus, beaucoup sont toujours dissimulés dans la ville. L'opération de désarmement s'annonce complexe, a expliqué lundi le chef de la diplomatie française Laurent Fabius. "La difficulté c'est que beaucoup d'ex-Séléka ont enlevé leur treillis et se sont mis en civil (...) et il est difficile de reconnaître les individus", a-t-il déclaré. "(...) On va donc aller au contact et si ce n'est pas suffisamment efficace, la force sera employée", a-t-il prévenu.

Après le vote ad hoc de l'ONU jeudi, la France a déployé 1.600 militaires en République centrafricaine (opération baptisée Sangaris, du nom d'un papillon rouge local), en appui à la Misca (2.500 soldats).

Djotodia se dit toujours soutenu par Paris

Vivement critiqué ce week-end par le chef de l'Etat français François Hollande, le président Michel Djotodia a affirmé lundi avoir toujours le "soutien" de Paris après les massacres de ces derniers jours.

"Je demande au peuple centrafricain de s'abstenir de toute manifestation hostile au président français", a lancé l'ancien chef rebelle, dans une déclaration à la radio nationale.

"On ne peut pas laisser en place un président qui n'a rien pu faire, a laissé faire", avait accusé M. Hollande à son propos. Ces déclarations ont eu un écho très fort à Bangui, pays au coeur du pré-carré africain français où Paris a eu jusqu'à il y a peu une longue tradition de faire et défaire les présidents.

Arrivé à la tête du pays par les armes en mars 2013 après avoir renversé le président François Bozizé, M. Djotodia est censé quitter le pouvoir fin 2014, avant l'organisation d'élections en février 2015.

En évoquant la nécessité "d'aller le plus vite possible vers les élections avant 2015", le président Hollande a alimenté les spéculations sur cette accélération soudaine du calendrier de la transition.

Ces déclarations sont allées de pair avec une nette évolution des objectifs affichés de l'opération Sangaris: d'une intervention à but "humanitaire" pour une période de six mois, il s'agit aujourd'hui de désarmer tous les groupes armés, ramener la stabilité dans le pays et organiser des élections libres et pluralistes en remplacement du régime actuel.

Lundi matin, comme pour rassurer le pouvoir issu de l'ex-rébellion, M. Fabius a assuré qu'il fallait "travailler" avec les actuelles autorités centrafricaines , "même si (elles)-mêmes ou leurs correspondants ont des difficultés".



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