Climat: la crise économique menace de diluer le plan d'action de l'UE
AFP
Bruxelles - - Les craintes de récession économique pourraient inciter les Européens à revoir à la baisse leurs ambitions dans la lutte contre le réchauffement climatique, domaine dans lequel ils se veulent un modèle pour le reste du monde.
Car les instruments financiers sont le point faible de ce plan d'actions qui doit permettre à l'UE de réduire en 2020 ses émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à leur niveau de 1990, de réaliser 20% d'économies d'énergie et de porter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation.
Les industriels devront en effet payer pour leurs émissions de CO2, et les estimations de recettes sont conséquentes: 44 milliards d'euros par an sur la période 2013-2020 avec une tonne de CO2 à 30 euros.
Or ils refusent cette mise à contribution, dénoncée comme une taxe, et menacent de délocaliser leurs investissements et leurs activités les plus polluantes. Les gouvernements sont très sensibles à ces pressions.
"Comme la situation économique est plus difficile, il est naturel que les gouvernements deviennent plus défensifs sur le climat, car les efforts demandés induisent des coûts additionnels à court terme", a reconnu un haut responsable de la Commission européenne sous couvert de l'anonymat.
Certains responsables européens n'hésitent plus à parler ouvertement de la dilution, voire de l'abandon du projet.
"Ce plan est une foutaise, c'est du politiquement correct mais il ne se réalisera pas", a ainsi publiquement affirmé fin août l'ancien Premier ministre italien Guiliano Amato au cours d'une réunion près de Rome à laquelle assistait un journaliste de l'AFP.
"S'il se réalisait, il tuerait la reprise économique. Or personne n'a envie de se suicider", a renchéri l'économiste Renato Brunetta, ministre de l'Innovation dans le gouvernement de droite dirigé par Silvio Berlusconi.
"Nous entendons de plus en plus ces arguments, notamment dans les pays comme l'Italie et l'Allemagne, où l'inquiétude des industriels monte", a confié un négociateur.
La menace est prise très au sérieux à Bruxelles, qui a "sous-estimé le problème", souligne-t-il. Le commissaire européen à l'Environnement Stavros Dimas a ainsi publiquement appelé les hommes politiques et les entreprises à "ne pas combattre les mesures que nous proposons".
"Je compte sur l'autorité de M. Sarkozy pour que le paquet soit adopté sans être trop dilué d'ici la fin de l'année", a pour sa part confié le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.
La France a fait de ce plan une des priorités de son semestre de présidence de l'UE. Mais les difficultés rencontrées par le chef de l'Etat français pour faire approuver dans son propre pays les moyens de financer son "Grenelle de l'environnement" donnent la mesure de la tâche au niveau de l'UE.
Les négociateurs français ont encore quelques semaines et deux réunions ministérielles pour être en mesure de présenter fin octobre au Parlement européen une position commune des 27 Etats membres et arracher un accord pour la fin de l'année.
"Aucune percée fondamentale n'a encore été enregistrée, mais la phase finale des négociations est engagée, et si la situation économique ne s'aggrave pas, nous pouvons espérer trouver un accord", a commenté un négociateur.
L'exercice est double. "Il vise à instituer des instruments pour défendre la compétitivité de l'industrie européenne et à "aider les Etats membres à remplir leurs objectifs nationaux".
"Certaines décisions sont très politiques et nécessiteront des arbitrages", a-t-il expliqué.