Crise en Côte d'Ivoire: tirs dans la nuit à Abidjan, Gbagbo bientôt investi
AFP
Abidjan - La Côte d'Ivoire s'enfonçait samedi dans la crise avec Laurent Gbagbo sur le point d'être investi président de la République, son rival Alassane Ouattara reconnu "président élu" par les grandes puissances et des échanges de tirs nourris dans la nuit à Abidjan.
Seul contre la communauté internationale comme il l'avait été après l'éclatement de la crise politico-militaire de 2002, le chef de l'Etat a déjà commencé à conforter son pouvoir. Les grands chefs de l'armée régulière, dont l'attitude est décisive pour l'issue de cette crise, se sont dès vendredi "mis à sa disposition", selon l'expression du quotidien d'Etat Fraternité-Matin.
Mais sur le plan sécuritaire la situation s'est encore tendue à Abidjan.
Dans le quartier populaire de Port-Bouët (sud) qui abrite la base de la force militaire française Licorne et l'aéroport de la ville, une patrouille de gendarmes a échangé des tirs nourris avec des inconnus en armes, ont indiqué une source militaire et des habitants.
A la lisière du quartier populaire d'Abobo et de la banlieue d'Anyama, au nord de la capitale économique, des tirs à l'arme légère se sont aussi longuement fait entendre.
Comme ils l'avaient fait la veille après la proclamation de la victoire de Laurent Gbagbo, des centaines de jeunes en colère sont sortis au petit matin, dans le quartier populaire de Koumassi (sud), pour ériger des barricades et mettre le feu à des pneus ou des bouts de bois, dans une ambiance électrique.
Coupé en un sud loyaliste et un nord tenu par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis le putsch manqué de septembre 2002, le pays était plus que jamais déchiré.
Face à Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara s'est présenté comme le "président élu" de la Côte d'Ivoire, s'appuyant sur les résultats provisoires de la Commission électorale indépendante (CEI) qui le créditaient de 54,1% des suffrages. Les FN et leur chef Guillaume Soro, Premier ministre depuis l'accord de paix de 2007, lui ont apporté leur soutien.
Sa victoire a été également reconnue par l'ONU. Le chef des Nations unies Ban Ki-moon a demandé "au président élu de travailler pour une paix durable, la stabilité et la réconciliation en Côte d'Ivoire". De façon très ferme, son représentant dans le pays, Youn-jin Choi, avait contesté les résultats du Conseil constitutionnel, qui ont donné la victoire à M. Gbagbo en annulant des votes dans le nord, théâtre de "fraudes" selon le camp présidentiel.
La réplique n'a pas tardé, le pouvoir menaçant d'expulser cet "agent de déstabilisation".
Après l'ONU, l'Union européenne et les Etats-Unis ont reconnu la victoire de l'ex-Premier ministre Ouattara et demandé au sortant de s'incliner.
La France, ex-puissance coloniale, a également pris fortement position, alors que parmi les partisans de M. Gbagbo les sentiments antifrançais et anti-"Blancs" se réveillaient.
Samedi, le président Nicolas Sarkozy a appelé au respect de "la nette et incontestable" élection d'Alassane Ouattara. "Je lance un appel à tous les dirigeants et responsables civils et militaires (ivoiriens) pour qu'ils respectent la volonté du peuple et s'abstiennent de toute initiative de nature à provoquer la violence", a-t-il déclaré.