De la guerre d'Algérie à l'islamophobie, histoire d’un racisme à la française

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Le racisme en France a évolué au fil des décennies. Anadolu s’est plongé au cœur de l’histoire de l’immigration française, pour comprendre les enjeux, les mutations et les symptômes de ce racisme envers les populations immigrées, avec pour principales cibles, les citoyens de confessions musulmane.

La guerre d’Algérie : une plaie jamais refermée 

Selon les sources officielles, en 1954, date du début de la guerre d’Algérie, la France compte 211000 algériens en métropole. En 1962, ils seront près de 350000. Dans ce contexte si particulier, où la guerre pour l’indépendance fait des milliers de victimes sur le sol algérien, la France met en place une véritable répression sur son territoire pour tenter de museler les musulmans qui auraient des revendications.

A l’image de cette haine viscérale des militants indépendantistes, la police française, sous les ordres du préfet Maurice Papon, sera responsable du « massacre du 17 octobre 1961 ». Ce soir-là, des centaines d’algériens, qui manifestaient contre un couvre-feu leur interdisant de sortir le soir, seront littéralement torturés, frappés à mort et des dizaines d’entre eux, jetés dans la Seine.

La France finira par perdre la guerre d’Algérie et rapatriera les pieds-noirs en métropole. Près de 70000 harkis, ayant eux-aussi la nationalité française ont également été accueillis en France. Ces supplétifs de l’armée France et qui se sont battus pour que l’Algérie demeure française, se sont ensuite retrouvés abandonnés, dans des camps, livrés à eux-mêmes, sans aucune reconnaissance ni statut.

Avec cette arrivée massive de « français musulmans », les déclarations racistes se multiplient, légitimant les discriminations à l’encontre des Algériens. A titre d’exemple, dans un ouvrage consacré à l’histoire des harkis, l’écrivain et journaliste Pierre Daum, rapporte une phrase cinglante du Général De Gaulle « harkis ou pas harkis, ce sont des musulmans et la France, qui est un pays chrétien, n’est pas faite pour accueillir des musulmans », laissant présager le pire.

A partir de 1973 : une décennie charnière dans l’explosion du racisme

Fin 1972, la France met en application la circulaire Fontanet. Cette directive indique que les emplois sur le territoire, ne sont réservés qu’aux français et étrangers en situation régulière et calque la durée de la carte de séjour, sur la durée de validité des cartes de travail des étrangers.

Un mouvement de protestation se mettra en place progressivement et le 12 juin 1973, à Grasse, dans les Alpes-Maritimes, des immigrés algériens et portugais, décident de manifester pour le « droit à être en situation régulière et obtenir une carte de séjour ».

Le maire de la ville, Hervé De Montmichel, fera asperger les manifestants avec des lances à incendie, conduisant à une véritable ratonnade. Assumant complètement son geste, il déclarera par la suite « Les arabes se comportent dans la ville comme en terrain conquis. Ces gens-là sont différents de nous, ils vivent la nuit, c’est très pénible d’être envahis par eux ». A l’époque, le journal le Nouvel Obs, met en lumière un « triangle brun du racisme » entre Cannes, Grasse et Nice, orchestré par le député maire de Nice, Jacques Médecin.

La situation géographique de ces faits de racisme et de discriminations, n’est pas anodine. Le sud de la France, a accueilli la majorité des pieds-noirs et des harkis rapatriés d’Algérie. Comme le rappelle l’historien Yvan Gastaut, dans un rapport sur « la flambée du racisme de 1973 », la rancœur liée à la guerre d’Algérie a parfois fait que « dans le midi, le conflit a eu tendance à se rejouer en d’autres temps et d’autres lieux », précisant même que « les algériens spécialement visés furent considérés comme les envahisseurs qui poursuivent leur conquête de la France ».

Le collectif « cases rebelles » a publié fin 2016, un ouvrage qui recense les crimes policiers, symptomatiques d’un réel racisme d’Etat. Ainsi, au fil des pages, on peut voir défiler le portrait de Mohamed Diab, tué en novembre 1972 par un policier qui lui criait « oui, je te tue sale race ! » avant de tirer, ou encore l’assassinat à Marseille, le 18 octobre 1980, de Lahouari Ben Mohamed, ce jeune de 17 ans, abattu sans aucune raison par un CRS qui venait de lui dire « je ne sais pas si c’est le froid, mais j’ai la gâchette facile ce soir ». Il y en aura d’autres, des dizaines, et de très minces, voire d’inexistantes condamnations. 

1983 : « La marche pour l’égalité et contre le racisme » redonne de l’espoir

En 1983, Marseille est de nouveau le théâtre du meurtre raciste d’un enfant de 13 ans. Une poignée de militants lyonnais et marseillais, décide de rallier le quartier de la Busserine où Lahouari Ben Mohamed avait été tué trois ans plus tôt. Le 15 octobre 1983, ils seront 32 à partir pour une « marche » nationale qui atteindra Paris le 6 décembre avec plus de 100000 personnes.

Les marcheurs seront reçus à l’Elysée par le président de la République François Mitterand. Cette initiative donnera beaucoup d’espoirs aux jeunes qui dénoncent le racisme et les discriminations dont ils sont quotidiennement victimes. Face à l’ampleur du mouvement, la classe politique française est forcée à réagir.

Le Parti Socialiste au pouvoir, parachutera la création d’une association « SOS Racisme » et très vite, les militants à l’initiative de la désormais célèbre « marche des beurs » se rendent compte que cette structure tente de museler leur parole en s’appropriant ce combat qui est le leur.

La liste des crimes racistes, continue, elle, de s’allonger Laïd Khanfar, tué par un douanier, Abdel Benyahia, tué par un policier, feront partie de ceux que l’on appelle tragiquement « la génération Malik Oussekine ». Le jeune étudiant avait été tué par la police française, à coups de matraque pour avoir participé à une manifestation étudiante. Malik Oussekine sera considéré par l’Etat français comme « le mort de trop ». Le ministre Devaquet sera contraint de démissionner, le peloton des voltigeurs à l’origine du meurtre de Malik sera dissout et la France tentera désespérément de redorer son blason.

L’islamophobie, symbole du racisme encore ancré dans les mentalités

Après les épisodes racistes des années 80, l’Etat français met un place une politique « d’intégration », tente de faire bonne figure en criminalisant les discriminations. Mais très vite, les habitudes reprennent avec un angle légèrement différent.

Le racisme anti-arabe faisant mauvais effet, l’attention des médias et de l’opinion publique se focalise, à partir des années 90, sur la communauté musulmane, de plus en plus visible. Dès 1989, on assiste à la première affaire islamophobe dans l’hexagone « l’affaire de Creil ».

Trois élèves d’un collège de l'Oise, se voient signifier par leur directrice, qu’elles ne peuvent plus assister aux cours à cause de leurs foulards. C’est un tollé dans le pays, et le ministre de l’éducation nationale déclare que « l’école est faite pour accueillir les enfants et pas pour les exclure ». Les élèves seront finalement réintégrées quelques jours après leur exclusion mais ce ne sera que le début d’une longue série d’interdits.

En 2004, l’Assemblée Nationale votera une loi interdisant formellement le port de signes religieux jusqu’au lycée. C’est évidemment le port du voile islamique qui est visé et le gouvernement feindra de s’étonner de la fuite de certains élèves vers des lycées musulmans.

Août 2016, dans le sud de la France, la majorité des villes de la Côte d’Azur, prennent des arrêtés municipaux pour interdire le port « de tenues non laïques sur les plages » de leurs communes. Les maires à l’initiatives de ces arrêtés expliqueront qu’ils ne visent que les burkinis sur les plages, mais dans la réalité des faits, ce sont 14 jeunes femmes qui ont été verbalisées dont 12 pour le port d’un simple foulard.

Les arrêtés seront « cassés » par le Conseil d’Etat le 26 août, considérant qu’ils « constituent une atteinte grave et illégale à la liberté de culte ». 


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