"Djeca": Aida Begic raconte les enfants de la guerre marginalisés

AFP

Sarajevo - "Tant que je ressens dans ma vie les conséquences de la guerre, je vais devoir parler de cela dans mon art": dans "Djeca" (Les enfants), la réalisatrice bosnienne Aida Begic raconte une génération d'enfants de la guerre marginalisés dans une société en transition.

Aida Begic
Aida Begic
Quatre ans après le film "Premières neiges", qui évoque les séquelles du conflit bosnien (1992-95) dans un petit village martyr et qui a remporté le Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes en 2008, la jeune cinéaste, 35 ans, présente son deuxième long-métrage en sélection à Cannes (Un Certain Regard).

"La guerre est une expérience tellement extrême qu'elle vous détermine pour la vie. Etre conscient pendant quatre ans de l'éventualité de perte de vie à tout moment, comme nous l'étions dans le siège de Sarajevo, vous change profondément", explique-t-elle dans un entretien à l'AFP.

"C'est l'histoire d'une jeune fille et de son frère qui tentent de se faire une place au sein d'une société en transition", explique-t-elle.

Le film a été tourné pendant six semaines, mais le tournage a été précédé de quatre années de préparations, notamment la réalisation par la metteuse en scène d'un documentaire sur les divisions interethniques dans des écoles locales.

"J'aime faire d'abord un documentaire qui me sert de base pour construire une fiction. Je pense que je ne peux pas être plus intelligente que la vie elle-même", explique-t-elle.

"Lors de la réalisation de ce documentaire, j'avais compris que les jeunes (musulmans, serbes et croates) dans des écoles primaires étaient nationalistes. Mais ce n'est pas de leur faute, c'est le système qui a produit ça", ajoute la réalisatrice.
   

Le film a été tourné à Otes, un quartier situé dans la banlieue de Sarajevo qui avait été détruit pendant la guerre et qui en porte toujours les séquelles, mais où de nouvelles villas ont poussé comme des champignons, faisant un décor idéal pour raconter l'évolution d'une société en transformation.

Dans un pays profondément divisé entre ses deux entités, serbe et croato-musulmane, Aida, qui est une musulmane pratiquante, a décidé d'engager pour le rôle principal de son film une jeune actrice serbe de Bosnie, Marija Pikic, 22 ans, née trois ans avant le conflit bosnien et qui vit et fait ses études dans l'entité serbe de Bosnie.

"Nous étions toutes les deux obligées de traverser un processus très sérieux, pour raconter l'une à l'autre ce que nous pensons, voire même nos opinions sur la situation politique, pour bien se comprendre afin de pouvoir faire un travail impeccable", raconte Mme Begic.

Le film "Djeca" est une coproduction internationale, avec des financements bosniens, allemands, français et turcs, la seule façon de faire des films en Bosnie, un des pays les plus pauvres d'Europe, selon la réalisatrice.

C'est un inconvénient qui demande beaucoup d'efforts au niveau de la production dont la réalisatrice s'occupe elle-même, avec son mari, Erol Zubcevic, avec lequel elle a fondé en 2009 une maison de production "Film House".

"Mais en même temps, confie-t-elle, c'est une très bonne chose parce que je discute de mon film avec des producteurs qui viennent des autres cultures et je suis obligée de faire une histoire qui fonctionne sur un espace plus large, sans toutefois renoncer à des spécificités locales qui donnent au film sa couleur."


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