Dylan le contestataire chante dans une Chine qui réprime

AFP

Pékin - Icône de la contestation des années 1960, le chanteur américain Bob Dylan donne mercredi, en 50 ans de carrière, son premier concert en Chine, autorisé sous conditions par la censure, au moment où Pékin renforce la répression contre les dissidents.

Dylan le contestataire chante dans une Chine qui réprime
Le spectacle au Stade des ouvriers, au coeur de Pékin, ainsi que celui que l'artiste, septuagénaire en mai, donnera vendredi à Shanghai ont été approuvés le mois dernier par le ministère de la Culture.

Mais Dylan et son groupe ont dû soumettre la liste des chansons qu'ils joueront et devront s'en tenir "strictement au programme approuvé" par les autorités.

"Le concert de Pékin affiche presque complet et les ventes de billets vont bon train à Shanghai", a déclaré à l'AF Zhou Yan, porte-parole de l'organisateur des deux concerts. Les billets les plus chers coûtent jusqu'à environ 140 euros, soit près du salaire mensuel moyen.

Le musicien est d'abord célèbre pour les chansons d'inspiration politique du début de sa carrière comme "The Times They Are A-Changin'" (Les temps changent) ou l'hymne pacifiste "Blowin' in the Wind" (Dans le souffle du vent).

Malgré l'arrestation récente de plusieurs dissidents soupçonnés de vouloir fomenter une "révolution du jasmin" en Chine, dont l'artiste Ai Weiwei, la presse officielle chinoise a donné un large écho à la venue de Dylan.

L'hebdomadaire Sanlian Shenghuo Zhoukan lui a consacré la couverture de sa dernière édition intitulée "la réponse est toujours dans le souffle du vent" et le quotidien Xin Jingbao (Les nouvelles de Pékin) un supplément de huit pages mercredi.

Pour le musicien chinois Zuoxiao Zuzhou, qui s'exprime dans ce dernier journal, Dylan est "le plus talentueux des musiciens de rock et de folk des années 1960".

"Il était très critique du gouvernement et voyait le rock comme une voix pour les faibles et les classes inférieures... je lui suis très reconnaissant de l'influence qu'il a eue sur moi".

Dimanche, Zuoxiao a été interrogé par la police en relation avec la détention d'Ai Weiwei, un de ses bons amis, emmené par la police vers un lieu de détention tenu secret, alors qu'il allait embarquer à l'aéroport de Pékin.

"Bob Dylan jouant à Pékin, c'est une icône de la dissidence dans une Nation qui chérit l'harmonie", commente le quotidien nationaliste de langue anglaise Global Times.

"Les sujets des chansons de Dylan, la drogue, l'égalité raciale, la dignité humaine ou encore la guerre ne figurent pas au centre des intérêts du Chinois ordinaire", relève encore ce journal.

Le Xin Jingbao évoque la tentative de Dylan de jouer en Chine l'an dernier, qui avait buté contre la censure frappant toujours un certain nombre de groupes de rock étrangers considérés comme trop sulfureux par Pékin.

Pour un concert des Rolling Stones à Shanghai en 2006, les autorités auraient interdit au groupe anglais de jouer "Brown Sugar", un de leurs tubes les plus célèbres sur la drogue et le sexe.

Le régime chinois a aussi été échaudé par la chanteuse islandaise Björk qui, lors d'un concert à Shanghai en 2008, a crié "Tibet" à la fin de son titre intitulé "Declare Independence" (Déclarer l'indépendance).

D'une manière générale, les autorités sont réfractaires à la culture rock occidentale et aux valeurs de rébellion contre l'autorité ou d'amour libre qu'elle véhicule. Les amateurs chinois peuvent néanmoins facilement se procurer des copies, le plus souvent piratées et très bon marché, de nombreux CD et "Bob Dylan est très connu en Chine", selon Mme Zhou.

Presque exactement un demi-siècle après son tout premier concert à New York le 11 avril 1961, Bob Dylan montera aussi sur scène au Vietnam dimanche, puis à Hong Kong la semaine prochaine.


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