Egypte: l'armée s'excuse pour les morts, les manifestants inflexibles
AFP
Le Caire - L'armée égyptienne au pouvoir s'est excusée jeudi pour les morts survenues dans les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants qui occupent la place Tahrir au Caire pour le septième jour consécutif pour réclamer le départ au plus vite du pouvoir militaire.
Les affrontements violents se sont poursuivis dans la nuit de mercredi à jeudi dans la rue Mohamed Mahmoud qui relie la place Tahrir au ministère de l'Intérieur, a constaté un journaliste de l'AFP.
Jeudi matin, l'armée bloquait cette rue tandis qu'un général exhortait les manifestants à reculer vers l'emblématique place Tahrir, occupée en début d'année pendant 18 jours par les manifestants jusqu'à la démission historique de Hosni Moubarak.
Les violences semblent avoir créé un malaise même au sein des militants, beaucoup estimant que le mouvement de protestation devrait se concentrer sur la place Tahrir et ne plus provoquer la police près du ministère de l'Intérieur.
"Je soutiens les manifestations mais je ne pense pas que les gens doivent se diriger vers le ministère, cela ne nous mènera à rien", affirme à l'AFP Essam Hamdani, un diplômé en affaires de 27 ans, au chômage.
"Nous devons revenir à la place Tahrir pour réaliser notre objectif de faire tomber le maréchal", renchérit Sameh Mahmoud, un avocat de 35 ans.
Il faisait référence au maréchal Hussein Tantaoui, chef de l'armée au pouvoir et chef d'Etat de fait, désormais assimilé à l'ex-président déchu Hosni Moubarak et accusé de vouloir incruster l'armée au pouvoir et de rééditer la politique de répression de l'ancien régime.
L'armée égyptienne a exprimé "ses regrets et présente ses profondes excuses pour la mort en martyrs d'enfants loyaux de l'Egypte" durant les affrontements, qui sont la plus grave crise pour le pouvoir militaire depuis qu'il a pris la direction du pays après la chute du président Hosni Moubarak le 11 février.
Une éditorialiste américano-égyptienne, Mona al-Tahawy, a indiqué avoir été arrêtée dans la nuit de mercredi à jeudi lors de sa participation aux manifestations. Son dernier commentaire sur Twitter affirmait qu'elle avait été "battue et arrêtée par le ministère de l'Intérieur".
"La place en ébullition", titrait le quotidien gouvernemental Al-Akhbar, tandis qu'Al-Ahram déplorait le "nouveau bain de sang".
Les heurts qui avaient débuté samedi au Caire et dans plusieurs autres villes ont fait officiellement 35 morts, en grande majorité sur la place Tahrir.
Les forces de l'ordre sont accusées par des militants et des médecins de viser les manifestants au yeux avec des tirs de balles en caoutchouc. L'usage massif de gaz lacrymogènes est également mis en cause dans des décès par asphyxie. Des décès par tirs de balles réelles ont également été signalés par des médecins.
Ces violences surviennent à quelques jours du début, lundi, des premières élections législatives depuis le renversement de M. Moubarak.
Les manifestations se poursuivent malgré la promesse du maréchal Hussein Tantaoui mardi soir d'organiser une présidentielle avant fin juin 2012, se disant aussi prêt à remettre le pouvoir immédiatement si un éventuel référendum en décidait ainsi.
Des affrontements ont été notamment signalés dans les villes d'Alexandrie, Port-Saïd (nord), Suez, Qena (centre), Assiout et Assouan (sud), dans le delta du Nil et à Marsa Matrouh (ouest).
Dans une prise de position d'une fermeté inédite, le grand imam d'Al-Azhar, plus haute institution de l'islam sunnite, qui siège au Caire, a appelé la police à ne pas tirer sur les manifestants et l'armée à éviter les affrontements "au sein d'un même peuple".
Les Etats-Unis ont condamné "l'usage excessif de la force" par la police et demandé au gouvernement de protéger le droit de manifester. Trois étudiants américains arrêtés lundi place Tahrir ont été maintenus en détention pour quatre jours, sur décision du procureur général du Caire.
Berlin a également condamné ces violences, Londres dénonçant une "violence inacceptable" et "disproportionnée" contre les manifestants avec des "balles réelles et des gaz dangereux". L'Organisation de la coopération islamique (OCI) a pour sa part appelé "à la retenue".