Egypte: les initiateurs de la "révolution Facebook" relativisent internet
AFP
Le Caire - Ils avaient créé la surprise en lançant sur internet une révolte qui a fait chuter un régime réputé indéboulonnable. Mais six mois plus tard, les blogueurs égyptiens reconnaissent que "pour renverser un dictateur, il ne suffit pas d'ouvrir une page Facebook".
Les blogueurs déplorent le caractère réducteur de l'expression consacrée "révolution Facebook" ou "révolution Twitter", face à l'importance des grèves, de la mobilisation traditionnelle et du ras-le-bol exprimé par des millions de personnes sans accès à internet.
"Internet a aidé à accélérer les choses", concède Hossam el-Hamalawy, connu sur le web sous le pseudonyme "3arabawy", mais "la révolution aurait quand même eu lieu sans ça".
La preuve? "Pendant plusieurs jours, nous n'avons pas eu internet et la révolution ne s'est pas arrêtée", martèle Rami Raouf, blogueur de 24 ans, évoquant la période où le régime a coupé l'accès à internet et suspendu la téléphonie mobile en Egypte, sans parvenir à enrayer la révolte.
Le 25 janvier, à l'instar de la révolte tunisienne, les réseaux sociaux ont tourné à plein pour mobiliser les manifestants par milliers sur la place Tahrir au Caire. Des groupes informels d'internautes pro-démocratie ont fait trembler le régime de Hosni Moubarak, incapable de trouver la parade.
En pleine révolte, le responsable d'une de ces pages Facebook, Waël Ghonim, a provoqué un choc national en racontant à la télévision la brutalité de sa détention par les forces de l'ordre.
Les mouvements traditionnels -- Frères musulmans, opposition laïque légale -- donnent l'impression de courir derrière des mots d'ordres lancés sur Twitter pour prendre en marche le train de la révolte.
Mais pour Hossam el-Hamalawy, "il faut expliquer les raisons profondes de la révolution" et ne pas faire croire que "si vous voulez renverser votre dictateur, vous n'avez qu'à ouvrir une page Facebook".
En Egypte, les racines de la contestation contre le régime Moubarak remontent au mouvement "Kefaya!" ("ça suffit" en arabe) en 2004, qui a lancé des manifestations et des opérations militantes, rappellent les blogueurs.
Les blogueurs influents en Egypte soulignent aussi qu'ils ont pour la plupart été également des militants de terrain, avant d'utiliser internet. "La force des blogueurs égyptiens, c'est que nous avons un pied sur la toile et un pied sur le terrain", explique Hossam el-Hamalawy.
Sous l'ère Moubarak, rappelle Rami Raouf, "internet était le seul outil libre face aux médias contrô lés par le gouvernement". Fin 2010, le pays comptait 23 millions d'usagers réguliers pour une population de près de 85 millions d'habitants.
Aujourd'hui, argumente Arm Gharbeia, 32 ans, "il n'est pas nécessaire autant qu'avant de se reposer sur internet, parce que nous pouvons désormais compter sur la rue".
Mais dans un pays qui connaît toujours une transition difficile, les blogueurs n'ont pas l'intention d'abandonner les claviers.
Ils se disent ainsi déterminés à poursuivre leur "mission d'information", face aux défis qui attendent l'Egypte, comme le procès de M. Moubarak à partir du 3 août, ou les élections prévues à l'automne.
Les médias traditionnels "sont toujours contrô lés par les hommes d'affaires ou des gens de l'ancien régime. Internet reste utile pour faire passer des idées", souligne Waël Abbas.