Egypte: les manifestants pro-Morsi défient à nouveau les autorités

AFP

Le Caire - Les partisans du président déchu Mohamed Morsi manifestaient lundi en Egypte, dans une nouvelle démonstration de force après l'expiration d'un ultimatum de la police menaçant à tout moment de disperser les islamistes barricadés depuis plus d'un mois sur deux places du Caire.

Egypte: les manifestants pro-Morsi défient à nouveau les autorités
La communauté internationale, qui a récemment tenté en vain de multiples médiations, redoute une nouvelle effusion de sang dans le pays où des heurts entre pro et anti-Morsi et entre pro-Morsi et forces de l'ordre ont déjà fait plus de 250 morts depuis fin juin.

Faisant fi des menaces du nouveau pouvoir installé par l'armée, des centaines de manifestants ont défilé dans le centre du Caire, brandissant des drapeaux égyptiens et des portraits du premier président élu démocratiquement du pays, dont ils exigent le retour au pouvoir.

Dimanche soir pourtant, à l'expiration de la trêve observée jusqu'à la fin des festivités du ramadan, la police avait annoncé une opération imminente mais "graduelle" contre leurs sit-in, avec "encerclement et sommations", qui pourrait durer "deux ou trois jours". Les autorités semblent vouloir persuader certains manifestants --barricadés avec femmes et enfants-- d'évacuer pacifiquement avant de lancer l'assaut contre les plus déterminés.

Le gouvernement intérimaire doit à la fois faire face à la pression populaire qui réclame une dispersion rapide des pro-Morsi et aux appels internationaux à la retenue, a expliqué à l'AFP H.A. Hellyer, chercheur au Brookings Institute.

Selon lui, les autorités "vont procéder en douceur" car elles "redoutent une condamnation internationale".

"Nous aurons des martyrs"

Sur la place Rabaa al-Adawiya, le bastion des manifestants pro-Morsi transformé en camp retranché, des dizaines d'hommes casqués et munis de bâtons se sont massés juste après la prière de l'aube sur les barricades de briques et de sacs de sable qui barrent les entrées principales du véritable village de tentes installées autour de la mosquée. Sur une grande tribune sonorisée, leurs leaders se relaient inlassablement pour réclamer la restauration de M. Morsi et la fin du "coup d'Etat".

Certains défilaient au pas et présentaient leurs bâtons à l'épaule, aux ordres d'un chef, avant d'entamer une série d'exercices physiques.

"Nous aurons des martyrs. Le prix à payer sera élevé mais la victoire nous attendra au bout du chemin", a lancé l'un d'eux à l'AFP.

Les Frères musulmans, l'influente confrérie islamiste de M. Morsi qui avait remporté les législatives un an après la chute de Hosni Moubarak, répète à l'envi que les sit-in des places Rabaa al-Adawiya et Nahda sont pacifiques.

En plein milieu de la nuit, à Rabaa, Farid Ismaïl, un cadre des Frères musulmans, avait appelé à occuper "toutes les places du pays" lundi et à "délivrer un message aux leaders du coup d'Etat": "le peuple égyptien poursuivra sa révolution".

Puis les manifestants ont conspué le général Abdel Fatah al-Sissi, chef de l'armée et véritable homme fort du pays, celui qui a annoncé le 3 juillet la destitution et l'arrestation de M. Morsi après que des millions d'Egyptiens ont manifesté pour exiger le départ du président islamiste.

Les Frères musulmans réclament la libération inconditionnelle de M. Morsi et des principaux dirigeants de la confrérie arrêtés depuis le 3 juillet --certains seront jugés le 25 août notamment pour incitation au meurtre-- et la restauration du président et de la Constitution suspendue par les militaires.

Les opposants à M. Morsi lui reprochent d'avoir accaparé tous les pouvoirs au seul profit des Frères musulmans et d'avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

Face à la paralysie du nouveau gouvernement -- qui a promis un processus de réconciliation devant déboucher sur des élections début 2014-- Ahmed al-Tayyeb, grand imam d'Al-Azhar, plus haute institution sunnite qui avait apporté sa caution au coup de force des militaires le 3 juillet, a appelé dimanche à la réconciliation nationale et assuré qu'il avait invité toutes les parties à venir négocier un compromis.

Les Frères musulmans ont affirmé n'avoir reçu aucune invitation et refusent catégoriquement de dialoguer avec les autorités "illégitimes", qui les accusent en retour, comme la presse quasi unanime, d'être des "terroristes", d'avoir stocké des armes automatiques sur les deux places et de se servir des innombrables femmes et enfants qui s'y trouvent comme "boucliers humains".

Pour l'organisation de défense des droits de l'Homme International Crisis Group (ICG), "en l'absence d'un accord politique, le résultat le plus probable est une impasse prolongée, des heurts à répétition". Mais, "personne ne doit sous-estimer le risque que certains islamistes, convaincus qu'ils n'auront pas de place dans le processus démocratique, se tournent vers la violence".


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