En Irak, la poterie se bat contre le plastique et le tout-électrique
AFP
Le pied sur son tour, Adel al-Kaouaz sculpte l'argile qui se transforme en jarre. Durant 200 ans, sa famille a richement vécu de la poterie dans le sud de l'Irak, un art mésopotamien millénaire, mais aujourd'hui il peine à tenir.
Il y a quelques générations, quand les ustensiles pour cuisiner et servir les plats étaient essentiellement faits d'argile, la vaisselle créée par sa famille était célèbre dans tout le pays.
À tel point qu'elle a valu à ses ancêtres le surnom de "Kaouaz" (fabricant de jarres, en arabe), devenu depuis son nom officiel, assure-t-il à l'AFP.
Aujourd'hui, ses jarres formées avec l'argile du lac de Najaf, la grande ville sainte chiite du sud de l'Irak, ne sont plus vendues que 2.500 dinars, soit moins de deux euros.
Pire, Adel al-Kaouaz a même dû se résigner à ne plus modeler de pièces qu'à la demande, de peur de travailler à perte la glaise, attentivement sélectionnée puis longuement laissée à sécher avant d'être cuite à très haute température dans des fours pendant une quinzaine d'heures.
Grâce à ces techniques ancestrales, inventées par les Sumériens et les Babyloniens plusieurs millénaires avant Jésus-Christ, les Irakiens, qui vivent dans l'un des pays les plus chauds au monde, ont pu garder leur eau fraîche dans ces jarres parfois accrochées aux arbres pour profiter d'une ombre rare dans le sud du pays.
À l'époque de Saddam Hussein, et surtout de l'embargo international imposé après l'invasion du Koweït par le dictateur dans les années 1990, les appareils ménagers manquaient. Et quand ils étaient disponibles, rares étaient les Irakiens qui avaient les moyens d'en acheter, se rappelle Adel al-Kaouaz.
"Les gens utilisaient des jarres ou de grandes amphores de terre parce qu'ils ne pouvaient pas s'acheter de réfrigérateurs modernes", assure-t-il.
Les amphores qui peuvent contenir plusieurs dizaines de litres sont généralement posées sur des supports de fer forgé, comme à l'époque mésopotamienne.
Mais aujourd'hui, comme les jarres, elles ne se vendent plus que rarement.
Il y a une vingtaine d'années encore, la famille Kaouaz "vendait en gros", affirme Adel depuis son atelier sur une rive du lac de Najaf: "Chaque semaine, des milliers de jarres étaient envoyées dans l'ensemble des provinces d'Irak. Aujourd'hui, en un an, j'en vends 100 ou 200, pas plus".
Son père et son grand-père complétaient leur chiffre d'affaires avec des pots de terre vendus aux agriculteurs et horticulteurs.
Désormais, ces derniers se sont tournés vers des produits étrangers, vus comme plus "modernes" mais plus nocifs pour l'environnement.
"Ils achètent des sacs plastique importés de Chine et nous ne vendons plus que très rarement des pots de terre cuite", se lamente Adel al-Kaouaz dans son atelier aux murs de terre cuite couverts d'un toit en palmes de dattier.
Pour se loger, cuisiner ou même écrire, les civilisations qui se sont succédé dans le "Croissant fertile" où se trouve l'Irak actuel, ont toujours eu recours à la poterie. C'est dans cette région qu'ont été retrouvés les premiers écrits humains, inscrits en lettres cunéiformes sur des tablettes d'argile.
Les fours traditionnels, inventés par les Sumériens et toujours utilisés dans certaines régions rurales ou désertiques d'Irak, sont également en terre cuite.
Oum Haydar, la soixantaine, n'arrive pas à se résigner à passer au four électrique ou même au gaz. Sur le toit-terrasse de sa maison du Vieux Najaf, elle cuit tous les matins dans son four en terre le pain qu'elle a pétri.
"Le goût du pain au four traditionnel n'a rien à voir avec un four moderne", dit-elle à l'AFP, alors qu'une odeur alléchante s'échappe de la construction qui lui arrive à la taille.
Cette Irakienne vêtue de la traditionnelle abaya noire qui la couvre de la tête aux pieds avoue n'avoir fait qu'une seule concession à la modernité: contrairement à sa grand-mère, elle n'a pas construit elle-même son four, elle l'a acheté.
Sur la rive du lac de Najaf, Haydar al-Kaabi s'active à mélanger les ingrédients pour obtenir un four solide et résistant à la chaleur. "Il faut ajouter à l'argile, des feuilles de roseau, du sable rouge et même des fibres de laine synthétique et laisser reposer le mélange deux jours pour que l'argile reste bien compacte", explique-t-il à l'AFP.
Comme Adel al-Kaouaz, Haydar al-Kaabi sait que sa lutte contre les fours électriques et cuiseurs à gaz est celle du pot de terre contre le pot de fer. "Mais même si nous vendons moins et si les artisans sont de moins en moins nombreux, nous résistons pour perpétuer l'artisanat hérité de nos pères et de nos grands-pères", assure-t-il.
"Et puis, il y a encore des Irakiens qui ne mangent que du bon pain". Comme celui du four en terre d'Oum Haydar.
Il y a quelques générations, quand les ustensiles pour cuisiner et servir les plats étaient essentiellement faits d'argile, la vaisselle créée par sa famille était célèbre dans tout le pays.
À tel point qu'elle a valu à ses ancêtres le surnom de "Kaouaz" (fabricant de jarres, en arabe), devenu depuis son nom officiel, assure-t-il à l'AFP.
Aujourd'hui, ses jarres formées avec l'argile du lac de Najaf, la grande ville sainte chiite du sud de l'Irak, ne sont plus vendues que 2.500 dinars, soit moins de deux euros.
Pire, Adel al-Kaouaz a même dû se résigner à ne plus modeler de pièces qu'à la demande, de peur de travailler à perte la glaise, attentivement sélectionnée puis longuement laissée à sécher avant d'être cuite à très haute température dans des fours pendant une quinzaine d'heures.
Grâce à ces techniques ancestrales, inventées par les Sumériens et les Babyloniens plusieurs millénaires avant Jésus-Christ, les Irakiens, qui vivent dans l'un des pays les plus chauds au monde, ont pu garder leur eau fraîche dans ces jarres parfois accrochées aux arbres pour profiter d'une ombre rare dans le sud du pays.
À l'époque de Saddam Hussein, et surtout de l'embargo international imposé après l'invasion du Koweït par le dictateur dans les années 1990, les appareils ménagers manquaient. Et quand ils étaient disponibles, rares étaient les Irakiens qui avaient les moyens d'en acheter, se rappelle Adel al-Kaouaz.
"Les gens utilisaient des jarres ou de grandes amphores de terre parce qu'ils ne pouvaient pas s'acheter de réfrigérateurs modernes", assure-t-il.
Les amphores qui peuvent contenir plusieurs dizaines de litres sont généralement posées sur des supports de fer forgé, comme à l'époque mésopotamienne.
Mais aujourd'hui, comme les jarres, elles ne se vendent plus que rarement.
Il y a une vingtaine d'années encore, la famille Kaouaz "vendait en gros", affirme Adel depuis son atelier sur une rive du lac de Najaf: "Chaque semaine, des milliers de jarres étaient envoyées dans l'ensemble des provinces d'Irak. Aujourd'hui, en un an, j'en vends 100 ou 200, pas plus".
Son père et son grand-père complétaient leur chiffre d'affaires avec des pots de terre vendus aux agriculteurs et horticulteurs.
Désormais, ces derniers se sont tournés vers des produits étrangers, vus comme plus "modernes" mais plus nocifs pour l'environnement.
"Ils achètent des sacs plastique importés de Chine et nous ne vendons plus que très rarement des pots de terre cuite", se lamente Adel al-Kaouaz dans son atelier aux murs de terre cuite couverts d'un toit en palmes de dattier.
Pour se loger, cuisiner ou même écrire, les civilisations qui se sont succédé dans le "Croissant fertile" où se trouve l'Irak actuel, ont toujours eu recours à la poterie. C'est dans cette région qu'ont été retrouvés les premiers écrits humains, inscrits en lettres cunéiformes sur des tablettes d'argile.
Les fours traditionnels, inventés par les Sumériens et toujours utilisés dans certaines régions rurales ou désertiques d'Irak, sont également en terre cuite.
Oum Haydar, la soixantaine, n'arrive pas à se résigner à passer au four électrique ou même au gaz. Sur le toit-terrasse de sa maison du Vieux Najaf, elle cuit tous les matins dans son four en terre le pain qu'elle a pétri.
"Le goût du pain au four traditionnel n'a rien à voir avec un four moderne", dit-elle à l'AFP, alors qu'une odeur alléchante s'échappe de la construction qui lui arrive à la taille.
Cette Irakienne vêtue de la traditionnelle abaya noire qui la couvre de la tête aux pieds avoue n'avoir fait qu'une seule concession à la modernité: contrairement à sa grand-mère, elle n'a pas construit elle-même son four, elle l'a acheté.
Sur la rive du lac de Najaf, Haydar al-Kaabi s'active à mélanger les ingrédients pour obtenir un four solide et résistant à la chaleur. "Il faut ajouter à l'argile, des feuilles de roseau, du sable rouge et même des fibres de laine synthétique et laisser reposer le mélange deux jours pour que l'argile reste bien compacte", explique-t-il à l'AFP.
Comme Adel al-Kaouaz, Haydar al-Kaabi sait que sa lutte contre les fours électriques et cuiseurs à gaz est celle du pot de terre contre le pot de fer. "Mais même si nous vendons moins et si les artisans sont de moins en moins nombreux, nous résistons pour perpétuer l'artisanat hérité de nos pères et de nos grands-pères", assure-t-il.
"Et puis, il y a encore des Irakiens qui ne mangent que du bon pain". Comme celui du four en terre d'Oum Haydar.