Enjeux et atouts d'un retrait américain d'Irak
Cgnews - Hdhod - Safa A. Hussein
Safa A. Hussein - Le 30 juin dernier, les blindés et les véhicules irakiens sont sortis pour prendre part à une célébration nationale du retrait des troupes américaines des villes d'Irak. L'article 24 de l'accord de sécurité a fixé cette date comme date limite pour que les forces de combat américaines se retirent des villes, villages et localités d'Irak. L'accord requiert également le retrait de toutes les troupes américaines d'ici au 31 décembre 2011. De ce fait, l'armée américaine a progressivement, depuis quelques mois, retiré ses forces de combat des centres urbains d'Irak. Le retrait s'est achevé deux jours avant la date limite.
Quels sont donc les enjeux et les atouts que comporte le retrait?
Le premier enjeu concerne la sécurité: la capacité des Forces de sécurité irakiennes (FSI) à assumer avec succès la responsabilité de la sécurité dans chaque province. Pendant les dix jours qui ont précédé le retrait, une série d'attentats prenant pour cible les civils a fait plus de 200 victimes irakiennes. Al-Maliki avait annoncé une potentielle recrudescence d'attentats autour de la date du retrait visant à discréditer le gouvernement irakien et les FSI mais il restait persuadé que les FSI seraient capables d'assurer la sécurité dans les villes irakiennes après le retrait des troupes américaines. Les officiers commandants américains l'ont également affirmé et ont souligné que leurs forces travailleraient énergiquement dans les zones rurales périphériques pour empêcher l'infiltration de terroristes dans les villes.
Les FSI font de réels progrès et bâtissent la confiance dans la capacité irakienne à faire face aux enjeux sécuritaires, y compris Al-Qaida et d'autres militants. En outre, les capacités de l'intelligence irakienne continuent de mûrir. Une série d'opérations de grande envergure menées par les FSI au printemps et à l'été 2008 a montré leur capacité à se déployer rapidement et en grand nombre. Les forces de sécurité locales à Samarra (à 100 km au nord de Bagdad) ont protégé avec succès plus de 200 000 pèlerins qui visitaient le site le 26 juin dernier. Il y a deux ans, Samarra était une zone dangereuse pour les visiteurs ainsi que pour la population locale.
La réconciliation politique, nécessaire pour remédier aux divisions politiques, ethniques et sectaires de l'Irak, est le plus grand enjeu auquel doit faire face le gouvernement irakien. Les tensions entre Arabes et Kurdes concernant un territoire contesté, la distribution des richesses, les revenus du pétrole et la répartition du pouvoir dans le Nord entre les gouvernements régionaux et fédéraux sont critiques pour l'avenir de l'Irak.
La constitution de la région du Kurdistan qui a été votée récemment par le Parlement kurde risque de venir s'ajouter aux tensions existantes. Les forces américaines ont joué un rôle pour tenter de les atténuer en encourageant le dialogue afin d'aplanir les différences. Ce rôle, ainsi que les moyens nécessaires pour l'accomplir, devrait maintenant être transféré à l'ambassade des Etats-Unis.
La mise en oeuvre de l'accord de sécurité et le retrait des troupes américaines offrent également de nouveaux atouts au gouvernement irakien.
L'opinion publique irakienne considère en général les Etats-Unis comme une puissance occupante et souhaite que ce pays ainsi que les autres forces de la coalition se retirent le plus vite possible. Plusieurs groupes de militants ont exploité le slogan ''résister aux occupants'' dans leur lutte pour le pouvoir.
Maintenant, avec le retrait des forces américaines, il sera difficile pour les militants de convaincre le peuple du fait qu'ils se battent pour la liberté. A moins qu'ils ne déposent les armes et ne se réconcilient, ils vont perdre un certain nombre de leurs partisans. Le clerc irakien Muqtada al-Sadr, dont les sympathisants représentent une importante menace à la sécurité, a publié un communiqué exhortant les citoyens irakiens à soutenir les FSI et il a conseillé à ses partisans de participer à une nouvelle ère de ''résistance politique'' en Irak et de rejeter les actes de violence.
Même l'un des hauts responsables de l'insurrection, Izzat al-Douri (l'ancien vice-président du conseil du commandement révolutionnaire irakien de Saddam Hussein) a publié un discours sur le web tôt mardi dernier, demandant à son groupe de ne pas attaquer les forces de sécurité irakiennes, et ce, bien qu'il ait exhorté les Irakiens à poursuivre le combat contre les Américains ''où qu'ils se trouvent en Irak''.
Le redéploiement américain offre également une chance pour l'Irak au regard des ses relations extérieures. Certains pays voisins ont eu une attitude négative à l'égard de l'Irak car ils estimaient que la présence des forces américaines dans ce pays représentait une menace directe pour eux. Ils ont réagi en intervenant pour déstabiliser l'Irak. Le retrait des forces américaines renforcera les chances de construire des relations saines avec ces pays.
De plus, beaucoup de pays hésitaient à établir des relations économiques et diplomatiques normales avec l'Irak en raison de leurs doutes concernant l'aptitude du gouvernement irakien à régner. Al-Maliki a justement décrit la transition comme ''une nouvelle phase qui soutiendra la souveraineté de l'Irak et enverra un message au monde selon lequel nous sommes maintenant en mesure de sauvegarder notre sécurité et d'administrer nos affaires intérieures.''