Espace : de la vie sur un satellite de Jupiter ?
RIA Novosti/Youri Zaïtsev
Un groupe international de chercheurs travaille depuis un an à l'élaboration d'un projet de mission scientifique vers Jupiter. La recherche d'une forme de vie extraterrestre est l'un de ses objectifs. Les solutions techniques et les objectifs scientifiques du projet font l'objet d'un premier séminaire international, qui se tient actuellement à l'Institut d'études spatiales.
Mars a toujours été considéré comme le "prétendant" le plus probable à la découverte d'une vie extraterrestre. Ces idées ont reçu un soutien au début du XXIe siècle. Le détecteur russe de neutrons installé sur la sonde américaine 2001 Mars Odyssey a non seulement confirmé, dès ses premières semaines de travail, la présence d'eau sur cette planète, mais il en a aussi découvert des réserves immenses.
Si elles venaient à fondre, les glaces du pôle Sud de Mars pourraient, à elles seules, recouvrir toute la planète d'une couche d'eau de 11 mètres. Ce serait un véritable océan. Il est à noter qu'il y a "à peine" 100.000 ans, autrement dit lorsqu'une forme de vie intelligente existait déjà sur la Terre, cet océan était encore liquide. Or, la présence de l'eau suppose - impose même nécessairement, selon certains scientifiques - celle de la vie.
Les chercheurs qui exploitent la sonde européenne Mars Express ont fait une découverte tout aussi importante. Ils ont détecté dans la couche de nuages de Mars, à l'aide du spectromètre Fourier, créé, entre autres, par des spécialistes russes, une grande quantité de méthane, un gaz pouvant avoir une origine biologique.
Pour que la quantité de ce méthane se maintienne, il faut qu'environ 150 tonnes de ce gaz pénètrent tous les ans dans l'atmosphère martienne. Selon plusieurs signes indirects, le rythme de "production" de ce méthane serait en réalité de 25 millions de tonnes, mais sa majeure partie s'oxyderait en formaldéhyde. Il est à noter que les zones où la quantité de méthane est supérieure à la moyenne de la planète coïncident avec les régions de Mars où l'on trouve de grandes étendues de glace au sol et de vapeur d'eau dans son atmosphère.
Certes, la surface de la Planète Rouge est peu propice à la vie, mais, même à une faible profondeur, les conditions peuvent être parfaitement suffisantes. Il n'est pas exclu que les vides se trouvant sous la couche de glace soient emplis d'une eau liquide produite grâce à la chaleur géothermale. C'est un milieu idéal pour la multiplication des bactéries. Des organismes assez compliqués peuvent également y exister.
Pour dissiper les doutes et obtenir une réponse exhaustive, il est prévu d'acheminer sur cette planète un gros marsokhod (véhicule-robot) doté de capteurs sensibles capables de détecter les signes d'une activité biologique. Les chercheurs russes participeront à ces études.
Le plus gros satellite de Jupiter, Europe, de la taille de la Lune, est un autre corps céleste du Système solaire où peuvent être découverts des organismes vivants.
Lorsqu'elles ont "frôlé" ce satellite, les sondes américaines Voyager et Galileo ont enregistré d'étranges anomalies magnétiques. L'analyse de ces données a révélé qu'un océan d'eau salée d'une profondeur d'environ 90 km se trouve sous la calotte de glace qui recouvre toute la surface du satellite Europe. On a pensé à un moment que la source de chaleur qui maintient son état liquide provenait de l'attraction de Jupiter: elle déformerait le noyau de pierre du satellite et la friction intérieure créerait l'énergie thermique.
Des calculs récemment effectués montrent que l'essentiel de la masse de chaleur provient en fait non pas de la déformation du noyau, mais de la friction de l'eau contre la glace. Pour l'apparition d'une vie ayant un métabolisme voisin de celui de la vie sur Terre, la présence d'oxydants est nécessaire. Ils peuvent se former à la surface de la glace. Mais la glace qui recouvre le satellite Europe est assez fine pour que des fractures puissent se former et ces substances pénétrer depuis la surface dans l'eau.
Le lac Vostok découvert par les chercheurs russes dans l'Antarctique, sous une épaisse couche de glace, peut être considéré comme une réplique miniature de l'océan qui recouvre Europe: des organismes viables y ont été découverts, à une profondeur d'environ 4 km.
Des projets prometteurs ont été élaborés ces dernières années en vue d'étudier ce satellite de Jupiter, et notamment le projet international Laplace, dont la réalisation est prévue pour 2015-2020, avec la participation de chercheurs européens, américains, russes et japonais.
Ce projet avait initialement pour objectif d'envoyer quatre appareils: une sonde serait demeurée en orbite autour de Jupiter, une autre autour du satellite Europe, une troisième aurait étudié la "queue" magnétosphérique de la planète, tandis qu'un module de descente se serait posé à la surface d'Europe. Mais, après avoir fait et refait leurs calculs, les Européens en ont conclu que la création du module de descente serait au-dessus de leurs forces et s'avérerait très onéreux, et ils y ont renoncé. C'est alors que les chercheurs russes ont pris en charge cette partie du projet.
En définitive, un des appareils étudiera Jupiter et son satellite Ganymède, où il y a également beaucoup d'eau, bien qu'aucun océan liquide n'y ait été découvert.
Une autre sonde sera mise en orbite autour d'Europe. Mais, comme cette orbite sera proche de Jupiter et que le taux de radiation y sera élevé, la durée de vie de son appareillage scientifique ne dépassera pas un ou deux mois, tout au plus.
L'Agence spatiale japonaise prépare le matériel qui permettra d'étudier les régions extérieures de Jupiter, en particulier sa "queue" magnétique, ainsi que les tempêtes magnétiques que connaît cette planète. Les Japonais observeront également le "climat spatial" à proximité de Jupiter et l'interaction de son champ magnétique avec le vent solaire.
C'est la partie russe de la mission qui sera la plus difficile. Il faudra non seulement créer un module de descente, mais aussi assurer son atterrissage. Ce qui pose de nombreux problèmes.
Il faudra tout d'abord parvenir jusqu'à Europe, alors que les stations interplanétaires soviétiques n'ont jamais dépassé la distance nous séparant de Mars. Qui plus est, de nombreuses missions lointaines ont plus ou moins échoué, à l'exception notable de celle vers la comète Halley.
Comme nous l'avons déjà indiqué, le taux de radiation autour de Jupiter est très élevé. Les Américains estiment, par exemple, que leur appareil fonctionnera, au mieux, une centaine de jours en orbite autour d'Europe. L'expérience acquise par les chercheurs russes en matière de création d'appareils résistant à la radiation est nettement moindre. Une solution plus ou moins acceptable serait que le module de descente russe se pose à la surface d'Europe de l'autre côté de Jupiter. Cela permettrait de le protéger partiellement des puissants rayonnements de la planète.
Ajoutons, enfin, que la descente est une opération assez complexe à tous égards, notamment en ce qui concerne le choix du lieu d'atterrissage.
La surface d'Europe abonde en fractures et fissures résultant de chutes de météorites. Ceux-ci ont brisé en certains endroits la couche de glace, et l'eau éjectée à la surface a tout de suite gelé. Le module de descente doit se poser assez doucement dans la région d'une de ces fractures et étudier la glace. On prévoit également de déployer de gros efforts pour que le module de descente posé sur le satellite de Jupiter puisse recueillir de la "glace pure" et l'analyser ensuite.
Le programme d'exploration de la surface d'Europe proposé par les chercheurs russes est totalement indépendant du point de vue technique. La participation des partenaires étrangers à ce programme se limitera à la transmission des données scientifiques par les sondes spatiales de la "flottille européenne".
Néanmoins, la coopération internationale entre la Russie et d'autres pays dans la mise en oeuvre du projet Laplace constitue un excellent exemple pour la réalisation de nombreux autres programmes spatiaux. Cette coopération a également pour mérite de permettre une réduction des dépenses de chacune des parties.
Par Youri Zaïtsev, expert de l'Institut d'études spatiales de l'Académie des sciences de Russie