Etat palestinien: Kerry risque de se heurter à un mur en Israël
AFP
Jérusalem - De plus en plus de ministres israéliens s'opposent ouvertement à la création d'un Etat palestinien que tente de promouvoir le secrétaire d'Etat américain John Kerry, de retour jeudi dans la région pour tenter de relancer des négociations de paix.
John Kerry et Shimon Peres
Mais les durs de son gouvernement n'hésitent pas le contredire, rejetant même un Etat palestinien à ces conditions, pourtant jugées inacceptables par l'Autorité palestinienne présidée par Mahmoud Abbas.
Le chef du Foyer Juif, un parti nationaliste religieux, et ministre de l'Economie Naftali Bennett s'est illustré la semaine dernière en comparant la présence des Palestiniens à "un éclat dans le postérieur qu'il vaut mieux garder, quitte à en souffrir de temps en temps, plutôt que de subir une opération risquée pour se le faire enlever", en référence à un Etat palestinien.
"Nous n'opposerons pas un véto à des négociations, nous ne ferons pas tomber le gouvernement pour cela", a néanmoins affirmé mardi M. Bennett à la radio militaire, estimant qu'il ne "sortirait pas grand chose" du cinquième voyage de M. Kerry dans la région depuis son entrée en fonctions en février.
Au sein même du Likoud, le parti de droite nationaliste de M. Netanyahu, les partisans de la colonisation juive dans les territoires palestiniens occupés ont le vent en poupe.
Ainsi, le vice-ministre de la Défense Danny Danon s'est prononcé contre un Etat palestinien et prône la construction dans un projet de colonisation controversé qui couperait la Cisjordanie en deux, compromettant la viabilité d'un Etat palestinien.
En raison des mauvais résultats des élections de janvier, "Netanyahu ne contrôle plus le Likoud", constate Amit Segal, commentateur de la deuxième chaîne de télévision.
Cacophonie
L'ancien ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, chef du parti Israël Beiteinou, a adopté une position encore plus tranchée, affirmant que Mahmoud Abbas n'était pas un partenaire pour Israël.
Dans l'autre camp, Tzipi Livni, la ministre de la Justice chargée des négociations de paix avec les Palestiniens gelées depuis trois ans, a dénoncé la progression de ces idées au sein du gouvernement.
"Le Premier ministre doit décider s'il laisse le +danonisme+ (en référence à M. Danon, NDLR) dominer le gouvernement", a prévenu Mme Livni, très isolée, la seule ministre à avoir fait de la relance des négociations avec les Palestiniens sa priorité.
Yaïr Lapid, le ministre des Finances et chef du deuxième parti de coalition, Yesh Atid (centre droit), s'est pour le moment rangé du côté du Premier ministre, mais il considère qu'il doit d'abord se concentrer sur les questions économiques et sociales avant de peser sur la question palestinienne.
Confronté à une telle cacophonie et aux pressions américaines, M. Netanyahu doit louvoyer.
"La véritable épreuve de force avec l'aile droite de la majorité ne s'engagera pas sur l'ouverture de négociations, mais sur des décisions concrètes, telles qu'un éventuel gel total de la colonisation", exigé par les Palestiniens pour reprendre les pourparlers, a expliqué à l'AFP Hanan Crystal, commentateur politique de la radio publique.
Selon le quotidien Maariv, le Premier ministre pourrait consentir à des "gestes de bonne volonté" comme la libération de prisonniers palestiniens ou l'annonce d'un gel partiel de la colonisation.
Mais pour la radio militaire, il y a peu chances que M. Kerry parvienne à impulser des négociations sérieuses. "Une nouvelle fois, Benjamin Netanyahu et Mahmoud Abbas risquent de se livrer au petit jeu d'échanges d'accusations", l'essentiel étant de ne pas porter la responsabilité de l'échec des efforts américains.