États-Unis : Des tueries à caractère social
courrierinternational/Patrik Jonsson
La multiplication récente de massacres gratuits amène criminologues et sociologues à établir un lien avec l'état déprimé de l'économie.
Quatre agents de police abattus à Oakland, Californie. En Alabama, un homme armé d'un fusil arpente les rues d'une petite ville à la recherche de victimes. Sept personnes âgées tuées par balle dans une maison de retraite de Caroline du Nord. Et, dimanche, six personnes (dont quatre enfants) trouvent la mort dans ce qui ressemble à des meurtres suivis d'un suicide dans un quartier chic de Santa Clara, Californie.
On ne connaît pas encore les détails de toutes ces affaires. Le mobile exact reste à déterminer dans la plupart d'entre elles – et ne sera peut-être jamais très clair. D'un point de vue plus large, en revanche, si ce type d'incident se multiplie, c'est peut-être – disent les criminologues –parce que les pertes d'emploi et les autres difficultés économiques font peser une pression terrible sur un nombre croissant d'Américains.
"Ces massacres sont en général précipités par une perte catastrophique et, quand l'économie s'effondre, il y a tout simplement davantage de ces catastrophes personnelles", explique Jack Levin de l'Université du Nord-Est, à Boston.
Il est cependant difficile de prouver qu'il existe une corrélation entre les cycles économiques et les homicides, met en garde Shawn Bushway, de l'université d'Albany à New York, même s'il reconnaît que l'on n'a pas connu de crise économique de cette ampleur depuis qu'on a commencé à établir des statistiques, après la Seconde Guerre mondiale. "Nous ne sommes pas dans une situation ordinaire", déclare-t-il.
Pour les criminologues, certains types de crimes augmentent effectivement pendant les crises économiques. La récession du début des années 1990 "a vu une augmentation spectaculaire des crimes sur le lieu de travail : d'anciens salariés furieux revenaient régler leurs comptes avec leur patron et leurs collègues à coups d'AK-47", précise M. Levin.
Une étude publiée le 23 mars en Floride établit un lien entre les crimes domestiques actuels et les drames sociaux tels que la perte d'un emploi ou la saisie du domicile. La Floride a connu une augmentation de près de 40 % des demandes enregistrées dans les centres d'accueil spécialisés – ce qui est lié, selon l'étude, à l'état de l'économie. Pour George Sheldon, qui dirige le ministère de l'Enfance et de la Famille de l'Etat de Floride, la situation actuelle est la pire qu'il ait vue depuis des années.
Le Violence Policy Center de Washington étudie l'éventualité d'un lien entre les massacres suivis de suicide et l'état de l'économie. "On constate une évolution qui semble pointer dans cette direction, déclare Kristen Rand, directrice du centre. Entre le massacre de l'université du Texas dans les années 1960 [1966] et celui de McDonald's en 1984, ce genre de massacre fut extrêmement rare. On en voit beaucoup plus souvent aujourd'hui, et ils semblent se produire par à-coups."
Voilà de quoi relancer le débat sur le droit des citoyens à posséder des armes à feu. Pour les partisans du contrôle, la prolifération des armes est l'une des causes principales de ces incidents, en particulier dans le cadre familial. "Les études ne cessent de démontrer qu'une arme conservée à la maison a plus de probabilité d'être utilisée contre un membre de la famille que contre un intrus", explique Juliet Leftwich, la directrice juridique de la branche de San Francisco de l'association Legal Community Against Violence.
La violence, selon certains, s'explique cependant par des facteurs plus profonds que la détention d'armes. "L'isolement social joue un rôle très important" dans un pays aussi vaste et qui insiste autant sur la réussite personnelle que les Etats-Unis, précise Levin. "Quand on regarde les lieux où ont eu lieu les derniers massacres, ce sont souvent des Etats qui comptent beaucoup d'étrangers, de gens de passage, de paumés, des gens qui n'ont aucun soutien qui leur permettrait de tenir pendant les périodes difficiles."
A Oakland, un homme en liberté conditionnelle a abattu deux policiers lors d'un contrôle routier, puis deux autres au cours de la poursuite qui a suivi. Il a également trouvé la mort. C'est la première fois depuis 1993 que les forces de l'ordre américaines ont autant d'hommes tués par balle en une seule journée.
Le massacre de la maison de retraite s'est produit le dimanche 29. D'après Chris McKenzie, le chef de la police de Carthage, en Caroline du Nord, le tireur, qui a été tué, s'en est peut-être pris à l'établissement parce que son épouse, dont il était séparé, y travaillait.
On ne connaît pas encore les détails de toutes ces affaires. Le mobile exact reste à déterminer dans la plupart d'entre elles – et ne sera peut-être jamais très clair. D'un point de vue plus large, en revanche, si ce type d'incident se multiplie, c'est peut-être – disent les criminologues –parce que les pertes d'emploi et les autres difficultés économiques font peser une pression terrible sur un nombre croissant d'Américains.
"Ces massacres sont en général précipités par une perte catastrophique et, quand l'économie s'effondre, il y a tout simplement davantage de ces catastrophes personnelles", explique Jack Levin de l'Université du Nord-Est, à Boston.
Il est cependant difficile de prouver qu'il existe une corrélation entre les cycles économiques et les homicides, met en garde Shawn Bushway, de l'université d'Albany à New York, même s'il reconnaît que l'on n'a pas connu de crise économique de cette ampleur depuis qu'on a commencé à établir des statistiques, après la Seconde Guerre mondiale. "Nous ne sommes pas dans une situation ordinaire", déclare-t-il.
Pour les criminologues, certains types de crimes augmentent effectivement pendant les crises économiques. La récession du début des années 1990 "a vu une augmentation spectaculaire des crimes sur le lieu de travail : d'anciens salariés furieux revenaient régler leurs comptes avec leur patron et leurs collègues à coups d'AK-47", précise M. Levin.
Une étude publiée le 23 mars en Floride établit un lien entre les crimes domestiques actuels et les drames sociaux tels que la perte d'un emploi ou la saisie du domicile. La Floride a connu une augmentation de près de 40 % des demandes enregistrées dans les centres d'accueil spécialisés – ce qui est lié, selon l'étude, à l'état de l'économie. Pour George Sheldon, qui dirige le ministère de l'Enfance et de la Famille de l'Etat de Floride, la situation actuelle est la pire qu'il ait vue depuis des années.
Le Violence Policy Center de Washington étudie l'éventualité d'un lien entre les massacres suivis de suicide et l'état de l'économie. "On constate une évolution qui semble pointer dans cette direction, déclare Kristen Rand, directrice du centre. Entre le massacre de l'université du Texas dans les années 1960 [1966] et celui de McDonald's en 1984, ce genre de massacre fut extrêmement rare. On en voit beaucoup plus souvent aujourd'hui, et ils semblent se produire par à-coups."
Voilà de quoi relancer le débat sur le droit des citoyens à posséder des armes à feu. Pour les partisans du contrôle, la prolifération des armes est l'une des causes principales de ces incidents, en particulier dans le cadre familial. "Les études ne cessent de démontrer qu'une arme conservée à la maison a plus de probabilité d'être utilisée contre un membre de la famille que contre un intrus", explique Juliet Leftwich, la directrice juridique de la branche de San Francisco de l'association Legal Community Against Violence.
La violence, selon certains, s'explique cependant par des facteurs plus profonds que la détention d'armes. "L'isolement social joue un rôle très important" dans un pays aussi vaste et qui insiste autant sur la réussite personnelle que les Etats-Unis, précise Levin. "Quand on regarde les lieux où ont eu lieu les derniers massacres, ce sont souvent des Etats qui comptent beaucoup d'étrangers, de gens de passage, de paumés, des gens qui n'ont aucun soutien qui leur permettrait de tenir pendant les périodes difficiles."
A Oakland, un homme en liberté conditionnelle a abattu deux policiers lors d'un contrôle routier, puis deux autres au cours de la poursuite qui a suivi. Il a également trouvé la mort. C'est la première fois depuis 1993 que les forces de l'ordre américaines ont autant d'hommes tués par balle en une seule journée.
Le massacre de la maison de retraite s'est produit le dimanche 29. D'après Chris McKenzie, le chef de la police de Carthage, en Caroline du Nord, le tireur, qui a été tué, s'en est peut-être pris à l'établissement parce que son épouse, dont il était séparé, y travaillait.