Etats-Unis-Iran: trop de rancoeur pour rebâtir une relation de confiance
AFP
Washington - Les Etats-Unis et l'Iran ont depuis 35 ans des relations exécrables qui interdisent pour l'instant de reconstruire une relation de confiance, même si les deux pays peuvent trouver une entente a minima sur le nucléaire
Avec l'Iran, "on croit plutôt à une diplomatie des petits pas", confie un diplomate européen.
Pour tenter de résoudre le casse-tête brûlant du nucléaire, dans l'impasse depuis dix ans, le président Obama a posé les termes de l'équation: "Il faut essayer la voie diplomatique", même si des "blocages pourraient s'avérer trop difficiles à surmonter", a-t-il dit à la tribune des Nations unies.
Evoquant plus d'un demi-siècle d'une "histoire difficile à surmonter du jour au lendemain", il a reconnu qu'il existait des "soupçons trop profondément ancrés" entre les Etats-Unis et l'Iran, aux relations diplomatiques rompues depuis avril 1980.
De fait, confirme Hussein Ibish, du centre d'études American Task Force on Palestine, "il y a de la rancœur au sein de l'élite iranienne à l'égard des Etats-Unis", qui interdit d'envisager pour l'instant tout "réchauffement des relations bilatérales".
Et, renchérit Anthony Cordesman, du Center for Strategic and International Studies, "aucun des deux camps ne peut oublier sa propre histoire, qu'il s'agisse du coup d'Etat de 1953, de la prise d'otages de 444 jours à l'ambassade des Etats-Unis (à Téhéran) ou du soutien américain à l'Irak lors de la guerre contre l'Iran" dans les années 1980.
La CIA vient de reconnaître avoir orchestré le coup d'Etat ayant renversé le Premier ministre iranien, Mohamed Mosssadegh, le 18 août 1953, après qu'il eut nationalisé le pétrole de son pays, provoquant l'ire de la puissance britannique.
Le rôle de la CIA avait été admis du bout des lèvres en 2000 par la secrétaire d'Etat Madeleine Albright puis par Barack Obama en 2009. Mais ce coup de force, qui permit à Washington de placer sur le trône le chah Mohammad Reza Pahlavi, hante toujours les relations américano-iraniennes.
Rencontre avec Hollande
Et le 4 novembre 1979, sept mois après la proclamation de la République islamique de l'ayatollah Rouhollah Khomeiny, lequel avait fait fuir le chah, des étudiants radicaux prennent en otages 52 diplomates et employés de l'ambassade américaine.
L'administration de Jimmy Carter rompt ses relations avec Téhéran et impose ses premières sanctions économiques avant la fin de la crise le 20 janvier 1981, jour de l'investiture du président Ronald Reagan.
Depuis une dernière rencontre en 1978 à la Maison Blanche entre le chah et le président Carter, les deux Etats "n'ont non seulement pas eu de relations diplomatiques, mais ont surtout eu des relations déplorables", relève le diplomate.
En trois décennies, abonde M. Cordesman, les deux ennemis se sont affrontés indirectement à propos de la guerre Iran-Irak, sur la question du soutien de l'Iran au "terrorisme", sur l'équilibre militaire dans le Golfe, à propos d'Israël et plus récemment sur Bahreïn et, bien sûr, à propos de la Syrie.
Si bien qu'aux yeux de l'expert, ces contentieux, auquel s'ajoute le nucléaire, interdisent de "parler de rapprochement, de confiance mutuelle et même d'un apaisement des tensions entre les Etats-Unis et l'Iran".
Les deux pays ont pourtant un "intérêt commun à éviter la confrontation" militaire, estime M. Ibish, qui croit à une "petite entente" sur le nucléaire, notamment un "gel" agréé sur la question de l'enrichissement de l'uranium à 20% et sur des inspections d'infrastructures nucléaires.
Les Etats-Unis et leurs alliés soupçonnent le programme nucléaire iranien d'avoir des visées militaires, ce que Téhéran dément catégoriquement.
Des négociations se tiennent avec le groupe "P5+1" (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) et des pourparlers directs américano-iraniens sont régulièrement évoqués.
Mais même si un accord a mimima était trouvé, "l'héritage historique amer des agressions et des représailles entre les deux pays a suscité une méfiance qui pèsera sur la relation dans les années à venir", déplore M. Cordesman.