Fillon utilise l'héritage de Sarkozy pour cibler Copé et son appel à manifester

AFP

Paris - Dans la bataille pour la présidence de l'UMP, François Fillon a mis en porte-à-faux son rival Jean-François Copé, en opposant à sa proposition d'en appeler à la rue l'héritage, cher aux militants, de Nicolas Sarkozy, qui s'est toujours vanté de ne pas avoir cédé à la rue durant son quinquennat.

Fillon utilise l'héritage de Sarkozy pour cibler Copé et son appel à manifester
A quinze jours du vote des militants UMP pour élire leur président, François Fillon a pris ses distances avec la dernière proposition choc de son concurrent: appeler à manifester dans la rue contre certains projets du gouvernement s'il était élu.

Jean-François Copé a adressé un courriel aux 300.000 adhérents du parti pour leur demander s'ils étaient "prêts à descendre dans la rue contre la politique de François Hollande", son entourage évoquant des thèmes comme la dénonciation du "matraquage fiscal" ou le droit de vote aux étrangers aux élections locales.

Jeudi, la présidente du FN Marine Le Pen a rebondi sur cet appel en se disant prête à participer à des manifestations organisées par l'UMP contre le gouvernement.

Un appel qui avait été reçu plutôt froidement dans le camp filloniste, avant même le tweet lancé mercredi par l'ancien Premier ministre.

"Pendant cinq ans, avec Nicolas Sarkozy, nous étions très fiers de n'avoir jamais cédé à la rue", a écrit François Fillon.

Dans le camp des copéistes, la réplique est venue vendredi soir de la députée UMP Michèle Tabarot, qui a jugé qu'appeler le "peuple de droite" à manifester "n'a rien d'antinomique" avec le fait que Nicolas Sarkozy, pendant cinq ans, a "réformé la France en évitant tout blocage du pays".

Mais pour elle, le contexte a changé, l'UMP est désormais dans l'opposition, et "il y a une certaine forme de déconnexion à ne pas voir que nos militants attendent que nous rejetions de toutes nos forces la politique de la gauche".

Dans la bataille de communication qui opposent les rivaux de l'UMP, François Fillon avait déjà marqué sa différence sur "le racisme anti-blanc" dénoncé par son rival, arguant que "ce n'est pas en copiant les extrémistes" que l'UMP convaincra ses électeurs "ni même ceux du FN".

Cette fois, c'est en utilisant le thème de l'héritage sarkozyste, cher aux militants UMP et autour duquel les deux hommes ont fait dans la surenchère, que François Fillon s'est démarqué.

L'ancien président avait en effet fait de sa résistance à la rue l'une de ses marques de fabrique, citant régulièrement en campagne la détermination affichée sur l'emblématique réforme des retraites, malgré la forte mobilisation populaire de l'automne 2010.

"Une de mes plus grandes fiertés est ne n'avoir jamais cédé à la pression de la rue", expliquait notamment Nicolas Sarkozy le 16 février 2012 lors d'un déplacement à Annecy.

"La France est un pays qui a dans son histoire une tradition de violence politique. Notre pays est toujours prêt à se diviser, à s'enflammer, à se déchirer. Le courage, c'est de ne pas déchaîner la violence parce qu'on ne change pas un pays par la violence", avait-il plaidé en se disant fier "d'avoir fait autant de réformes sans violences".

"La rue ne nous fera pas plier", avait aussi répondu l'ancien président en 2007 à un cheminot de la CGT qui voulait faire céder le gouvernement sur la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Poussant cette logique jusqu'à la provocation, M. Sarkozy avait provoqué un tollé des syndicats en lançant en juillet 2008 à la Mutualité à Paris: "Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit".

"Si le thème du +racisme anti-blanc+ ou l'anecdote du pain du chocolat s'inscrivaient dans le droit fil du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, l'appel à manifester dans la rue est en décalage avec la tradition du peuple de droite, traditionnellement favorable à l'ordre", souligne Frédéric Dabi (Ifop).

"L'habileté de François Fillon", juge le politologue, "est de surfer sur ce décalage, en montrant du doigt la transgression opérée par Jean-François Copé (...) et en s'inscrivant ainsi dans l'héritage de Nicolas Sarkozy".


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