"Fix Me": contre les migraines et le conflit israélo-palestinien

AFP

Paris - Raed Andoni a mal à la tête, le conflit israélo-palestinien lui donne des migraines. Pour en guérir, le cinéaste entame une analyse et filme sa thérapie à travers un miroir sans tain: une façon de "se réparer", dont il présente l'ordonnance dans "Fix Me".

Né en 1967 en Jordanie, grandi à Bethléem avec sa nombreuse fratrie, Rael Andoni, installé aujourd'hui à Ramallah (Cisjordanie), refuse cependant d'être réduit à sa seule appartenance nationale et revendique un travail de portée universelle.

QUESTION: La migraine, est-ce un autre mot pour parler du conflit israélo-palestinien?

REPONSE: "La Palestine constitue bien sûr une partie importante de mon histoire et une question majeure dans ma vie. L'occupation, ce n'est pas pour moi un objet de lectures ou d'études mais quelque chose que je vis chaque jour de ma vie.

Mais le film va au-delà. D'ailleurs, je l'ai montré dans de nombreux festivals à l'étranger, en Amérique, en Europe, dans le monde arabe, et partout les gens s'y retrouvent, même à l'autre bout du monde.

C'est donc un film assez universel. Et ce n'est pas un film +sur+ la Palestine mais +depuis+ la Palestine.

Chaque pays a ses propres maux de tête, ses problèmes et ses complexités. Ils sont juste différents les uns des autres. Même si je sais que le fait que le film ait été tourné en Palestine intrigue davantage.

Pour moi, il s'agissait de répondre à un double besoin: celui d'être soigné et celui de tenter une nouvelle expérience au cinéma".

Q: Comment a réagi votre entourage à cette idée?

Q: "Tous les personnages montrés dans le film, les proches, les amis, font partie de ma vie. Ils viennent de ma mémoire, ils étaient avec moi en prison... C'était donc important de leur faire de la place pour ne pas rester sur un point de vue strictement égocentré.

Ma famille est habituée à la présence de la caméra. Mais quand j'ai expliqué à ma mère que je faisais un film sur mes migraines, elle a pensé que ça n'intéresserait personne. J'espère qu'elle a changé d'avis en voyant le résultat, puisqu'il s'agit de questionner nos existences dans cette région du monde. Ce que je fais parfois avec brutalité, mais toujours avec respect.

Quant au médecin, qui dirige le Département de psychologie du Croissant rouge palestinien, il avait posé comme condition que pendant les vingt semaines qu'a duré la thérapie, je ne regarde pas l'enregistrement des séances. Il voulait être sûr de garder le contrôle des opérations".

Q: Vous sentez vous mieux aujourd'hui?

R: "Ce qui m'a le plus aidé, c'est la phase de montage du film. Pendant le tournage, c'était une curieuse expérience puisque j'étais en thérapie, à la fois celui qui filmait et le personnage principal. Et je n'étais pas certain d'avoir suffisamment de matériel.

Je n'attendais pas un résultat particulier, mais c'est le procédé, le traitement qui m'intéressait. Le film lui-même était une thérapie, qui me permettait de m'exprimer devant le public: or partout où je l'ai montré, il a été bien reçu.

Et aujourd'hui, de m'être regardé à distance, je comprends beaucoup mieux qui je suis".

(Propos recueillis par Anne CHAON)


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