France/génocide arménien: Ankara suggère à Sarkozy de ne pas "forcer sa chance"
AFP
Istanbul - Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a suggéré mercredi au président français Nicolas Sarlozy de ne pas "forcer sa chance" en présentant un nouveau projet de loi réprimant la négation du génocide arménien après l'annulation d'une première mouture mardi par le Conseil constitutionnel.
Ahmet Davutoglu
"Auparavant, il a déclaré la guerre à la liberté d'opinion et à l'histoire. Maintenant, il aura déclaré une guerre ouverte avec le Conseil constitutionnel", a poursuivi le ministre.
Le Conseil constitutionnel français a censuré mardi une loi votée en janvier pénalisant la contestation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915, à l'origine d'une crise diplomatique entre Paris et Ankara, jugeant qu'elle était contraire à la liberté d'expression.
Mais la présidence française a immédiatement annoncé que M. Sarkozy avait chargé le gouvernement de préparer un nouveau texte prenant en compte la censure du Conseil.
M. Davutoglu a toutefois indiqué que les mesures de rétorsion prises ou envisagées par la Turquie à l'encontre de la France seraient sans doute abandonnées.
"Si la conjoncture et les conditions qui justifiaient l'application de ces sanctions disparaissent, alors les sanctions disparaissent aussi", a-t-il dit.
La Turquie avait réagi au vote de la loi française en rappelant temporairement son ambassadeur en France et en gelant la coopération politique et militaire entre les deux pays.
Elle avait également laissé planer la menace de mesures de rétorsion sévères contre la France dans les domaines économique et culturel en cas de validation du texte par le Conseil constitutionnel.
La presse turque insistait pour sa part mercredi sur le camouflet subi selon elle par le président français.
"La gifle de la Constitution à Sarkozy", titrait ainsi en "Une" le quotidien à grand tirage HaberTí¼rk, tandis que le journal progouvernemental Sabah évoquait "Une claque historique à Sarkozy".
La Turquie reconnaît des massacres d'Arméniens en 1915-1917 --elle parle de 500.000 tués-- dans les territoires alors administrés par l'empire ottoman, dont elle est l'héritière, mais récuse le terme de génocide. Les Arméniens avancent le chiffre de 1,5 million de morts dans un génocide.
Interrogé sur un éventuel changement de stratégie d'Ankara à l'approche des commémorations en 2015 du centenaire du début des massacres --une échéance redoutée par la Turquie, qui craint une multiplication à cette occasion des reconnaissances internationales du génocide arménien--, M. Davutoglu a répondu par l'affirmative, affichant une volonté de débat avec les Arméniens et même un forme de contrition.
"Nous devons laisser les canaux ouverts (à la discussion avec les Arméniens, ndlr) au nom du partage d'une histoire commune", a indiqué le ministre, avant de souligner: "Nous voulons partager la douleur avec ceux qui veulent la partager."