France: un cimetière pour les musulmans dans l'Est, grâce au droit local

AFP

Strasbourg (France) - Les musulmans de Strasbourg auront bientô t un cimetière public où tous leurs rites funéraires pourront être respectés: une première en France, grâce à une particularité du droit local d'Alsace-Moselle (est) sur les relations entre l'Eglise et l'Etat.

France: un cimetière pour les musulmans dans l'Est, grâce au droit local
Cela fait des années que la communauté musulmane -- estimée à au moins 4 millions en France -- se plaint du manque de place dans les carrés musulmans des cimetières.

Mais seule cette région de l'est de la France, du fait des relations complexes établies entre le Vatican et l'Etat, pouvait permettre une intervention directe des pouvoirs publics dans des affaires relevant du culte.

"Le droit local d'Alsace-Moselle nous permet de mettre en place un cimetière confessionnel à gestion municipale", explique Anne-Pernelle Richardot, adjointe au maire socialiste de Strasbourg, rappelant qu'ailleurs dans le pays, seuls les carrés musulmans sont autorisés.

Le seul cimetière musulman connu en métropole a longtemps été celui Bobigny, créé dans les années 1930. Mais il avait un statut privé et est récemment formellement devenu le carré musulman du cimetière communal de cette banlieue de Paris.

En France, la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat interdit clairement que les pouvoirs publics subventionnent ou organisent d'une manière ou d'une autre des institutions religieuses. Sauf en Alsace et dans une partie de la Lorraine (est), où le Concordat de 1801 -- un traité diplomatique napoléonien qui organise les relations entre le Vatican et l'Etat français -- s'applique encore.

Dans cette région de l'est de la France, l'Allemagne avait maintenu le régime concordataire lors de l'annexion de 1870, et les autorités françaises ont laissé la situation en l'état après la fin de la Première guerre mondiale en 1918.

En Alsace-Moselle, la loi de 1905 ne s'applique donc pas et les pouvoirs publics peuvent intervenir dans le financement des cultes.

"Le culte musulman n'est pas dans le Concordat, mais on essaie de le mettre au même niveau grâce au droit local", indique Mme Richardot. La ville a ainsi consacré un budget de 800.000 euros à la création de ce cimetière, dont elle assurera la gestion et qui devrait être inauguré le 6 février.

Huit carrés confessionnels musulmans existaient déjà à Strasbourg dans les cimetières publics, mais ils arrivaient à saturation depuis plusieurs années, contraignant de nombreuses familles à inhumer leurs proches dans leurs pays d'origine, avec lesquels les liens sont parfois très distandus.

"A la douleur du décès d'un proche s'ajoute alors celle de la paperasse administrative à remplir pour faire inhumer le corps dans le pays d'origine, puis du déchirement face à l'éloignement", explique Driss Ayachour, président du Conseil régional du culte musulman (CRCM), organe représentatif des musulmans en France.

Pour lui, ce cimetière, "c'est un signal fort pour la nouvelle génération de musulmans, qui leur montre que la collectivité répond à leurs besoins". Mais il voudrait aussi voir les deux autres grandes villes alsaciennes, Colmar et Mulhouse, ouvrir leurs cimetières musulmans. "Ailleurs, dans les petites communes, des carrés musulmans peuvent suffire", estime-t-il.

"Aujourd'hui, on a une communauté qui s'installe définitivement sur le territoire, qui souhaite enterrer ses proches en France et plus à des milliers de kilomètres de là", relève Saïd Alla, président de la Grande Mosquée de Strasbourg. "C'est le geste ultime d'une bonne intégration, cela montre qu'on appartient au pays où l'on vit."


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