"Génération 11-Septembre": un traumatisme qui se répète chaque année
AFP
Miami (Etats-Unis) - Sécurité renforcée aux aéroports, alertes antiterroristes, un pays en guerre depuis 10 ans : toute une génération de petits Américains a grandi dans l'ombre des attentats du 11-Septembre, comme les précédentes avaient connu la menace du nazisme, puis la guerre froide.
"J'étais à l'école. J'avais compris qu'il se passait quelque chose parce que des écoliers plus âgés en avaient entendu parler et puis dans l'après-midi on nous a rassemblés pour nous expliquer", se souvient la jeune femme, qui vivait à l'époque en Pennsylvanie (est) et s'est installée depuis en Floride (sud-est).
"Sur le moment, on ne comprenait pas vraiment ce qui s'était passé, mais nous savions que c'était très grave", raconte-t-elle à l'AFP.
Comme pour beaucoup de ses contemporains, les attentats ont provoqué une plongée soudaine dans la géopolitique, aux antipodes des préoccupations habituelles des petits Américains.
"Cela m'a révélé l'impact que nous avions sur d'autres pays et le fait que beaucoup de gens ne sont pas forcément d'accord avec ce que nous faisons aux Etats-Unis", explique Emilia.
Une prise de conscience sans commune mesure avec celle que ses parents avaient pu avoir dans les années 1960, lorsque la guerre du Vietnam avait forgé toute une génération dans le combat politique.
Le 11-Septembre, "c'était une attaque ici, sur le sol américain, et toute proche de chez moi, qui vivais à deux heures de New York. Je pense que ma génération a grandi en étant plus consciente de ce qui se passe autour d'elle et que la menace existe vraiment", témoigne-t-elle.
Pour ceux qui étaient trop petits pour se souvenir des attentats, internet a offert plus tard un accès facile aux images et aux informations ainsi qu'aux multiples "théories du complot", toutes aussi affolantes les unes que les autres.
C'est le cas de Joshua Henderson, 14 ans, qui, de son domicile de Plainfield (Illinois, nord), a suivi de près l'élimination d'Oussama Ben Laden en mai dernier.
"J'étais soulagé par sa mort parce que toutes les souffrances qu'il nous a infligées allaient peut-être enfin finir", explique l'adolescent, même si "cela ne veut pas dire que nous soyons à l'abri : quelqu'un d'autre va sûrement essayer de nous nuire d'une manière ou d'une autre".
En dépit du traumatisme de 2001, les psychologues écartent la thèse d'une génération entière d'Américains qui seraient affolés par le monde qui les entoure.
"Le 11-Septembre était à l'évidence un traumatisme et il aura un impact durable sur ceux qui ont été touchés de près. Mais je ne vois pas se concrétiser un gros changement générationnel", analyse Keith Campbell, chef du département de psychologie à l'Université de Géorgie (sud-est).
"Autrefois, la peur d'un conflit nucléaire était culturellement beaucoup plus présente chez les enfants : les écoles leur ont appris à se mettre à l'abri pendant des années", rappelle-t-il.
Certains jeunes parents se sont efforcés de ne pas transmettre leurs propres peurs à leurs enfants, comme Lori Ann Chierchio, qui se trouvait juste à l'extérieur du World Trade Center lorsque le premier avion a frappé un certain mardi de septembre.
Lori Ann, qui a deux enfants de neuf et 10 ans, s'attend à ce que la commémoration de la tragédie dimanche réveille les vieilles angoisses.
"Les enfants se nourrissent des émotions de leurs parents et, en ce qui me concerne, je fais tout ce que je peux pour cacher mon anxiété. Vivant à New York et à l'approche du dixième anniversaire, j'ai besoin de me convaincre, et de les convaincre, que nous sommes à l'abri", explique-t-elle.
"C'est triste à dire, mais la génération 11-Septembre ressent la même chose que nous chaque année".