Gérôme, le peintre pompier qui a inspiré Hollywood et passionne les émirats

AFP

Paris - Des lions vont dévorer des chrétiens, un gladiateur vainqueur attend la décision de l'arène et César gît mort sur le marbre du sénat. Autant de toiles historiques signées Jean-Léon Gérôme, peintre académique du XIXème siècle, qui ont inspiré Hollywood, parfois au détail près.

Jean-Léon Gérôme
Jean-Léon Gérôme
L'exposition que le Musée d'Orsay consacre à cet artiste jusqu'au 23 janvier est judicieusement intitulée "L'Histoire en spectacle", tant elle montre une oeuvre quasi-cinématographique.

Des reproductions de films hollywoodiens ou italiens du début du XXème siècle soulignent l'influence de l'oeuvre de Gérôme sur le cinéma, dans sa version péplum.

"Et même des séries télévisées comme +Rome+ ou des films récents tels +Gladiator+ de Ridley Scott lui doivent quelque chose", souligne Laurence des Cars, l'un des commissaires de l'exposition.

"Gérôme était un vrai metteur en scène, un formidable cadreur, un superbe scénariste", ajoute-t-elle.

Mais comment un peintre né à Vesoul en 1824 a-t-il pu influencer les grands studios américains ? Son beau-père, Adolphe Goupil, patron d'une maison d'édition, y est pour quelque chose. Car ce sont les milliers d'estampes et de chromos reprenant les toiles de Gérôme qui ont porté son oeuvre aux quatre coins du monde et notamment outre-Atlantique. D'ailleurs l'Amérique s'en souvient. Montrée cet été au Getty Museum à Los Angeles, l'exposition a attiré près de 200.000 visiteurs.

Mais il n'y a pas que les Américains pour admirer ce peintre académique qui peignait des bachi-bouzouk enturbannés quand Monet, Degas, Renoir et les autres révolutionnaient la peinture mondiale.

"Les tableaux orientalistes de Gérôme sont aujourd'hui très recherchés par les collectionneurs, notamment ceux du Golfe", indique Laurence des Cars, qui précise que les dernières ventes du peintre ont atteint "autour de 3 millions d'euros". Dans la salle réservée aux toiles inspirées de l'Orient, trois tableaux viennent de l'Orientalist Museum de Doha.

Et ces oeuvres orientalistes valent le détour. Comme le "Charmeur de serpent", censé se situer au Caire mais qui montre les mosaïques du palais de Topkapi à Istanbul. Ou encore "La terrasse du sérail" où des femmes se baignent nues à l'air libre et en plein jour. Cet orient-là n'existe pas, entièrement reconstruit, il est fait de faux réalisme et de vrais fantasmes.

Parfois jusqu'au mauvais goût comme dans "La douleur du Pacha", d'après un poème de Hugo. On y voit un tigre immense dormant de son dernier sommeil sur un tapis de roses devant un pacha accroupi le pleurant. Le fauve est encadré de deux grands candélabres allumés. Un chromo du plus bel effet.

Surtout connu pour ses peintures, Gérôme fut aussi sculpteur. Et polychrome bien sûr. Il enchaîne les têtes de Tanagra peintes, les joueuses de cerceau et les danseuses à la pomme aux joues rosies, aux ongles vernis.

Le buste de Bellone, idole romaine hurlante multicolore, est à cet égard exemplaire. Au point que les concepteurs de l'exposition voient, là encore, en Gérôme un inspirateur pour les artistes contemporains. Ils citent l'Américain Jeff Koons ou l'Italien Maurizio Cattelan.

Jean-Léon Gérôme serait-il finalement un moderne qui s'ignorait et non le peintre pompier vomi par les impressionnistes ? "Une telle exposition n'aurait pas été possible il y a quelques années", assure Laurence des Cars, "ce n'était pas mûr. Il fallait dépasser le débat entre avant-garde et académisme".

C'est fait. Et si Gérôme reste loin derrière les étoiles de son siècle, avec cette belle exposition il a gagné quelques galons.


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