Grégoire Dans la danse

Le Monde.fr/Véronique Mortaigne

Un polo sans âge, col ouvert, un petit blouson de cuir, un jean bleu, normal : on peut passer devant Grégoire sans le voir. Râblé, cheveux drus et courts, la nouvelle sensation de la variété française est un M. Tout-le-Monde qui sourit sans exagérer, gentil, caméléon, réfléchi.

Grégoire Dans la danse
Dans les coulisses du Palais des festivals de Cannes, il voyage en solitaire dans le bling-bling et le tape-à-l'oeil du grand show des NRJ Music Awards, organisés le 17 janvier, parallèlement au Marché international du disque et de l'édition musicale (Midem).

Grégoire, 29 ans, a été convoqué sur la Croisette pour défendre sa chanson Toi + Moi, un air sans couplet ni refrain, bien chanté et qui va de l'avant. Et le voici côtoyant l'idole des filles, l'Hispano-Américain Enrique Iglesias, fils de Julio, silhouette longiligne et plaquettes de chocolat, la sulfureuse Californienne Katie Perry, ou encore le maniéré Julien Doré, évaporé, épingles à chignon dans les cheveux. "Je suis content d'être là", dit Grégoire, ni yeux bleus perçants ni boucles d'amour sur le front.

"Je n'ai pas tenté la "Star Ac'" ou la "Nouvelle Star", parce que je n'avais pas le physique. Ni la voix pour chanter les chansons des autres", explique-t-il. Son image s'est forgée à travers le clip de Toi + Moi, potion anti-solitude qui circule sur Internet comme des bancs d'anguilles : "Toi + moi, + tous ceux qui le veulent/+ lui + elle et tous ceux qui sont seuls/Allez venez et entrez dans la danse." Mise en ligne sur le site MyMajorCompany en février 2008, la chanson a ouvert tous les mariages de l'été. Depuis qu'il l'a chantée en décembre au "Téléthon", les associations caritatives se disputent Grégoire.

Dans la matinée, à l'entrée de son hôtel cannois - très "in", chambres pourpres, ambiance clubbing galactique -, des filles se font photographier (au téléphone portable) bras dessus, bras dessous avec Grégoire. Ils sont du même tonneau, de la Génération virtuelle, comme le chante Olivier Miller, jeune pousse made in NRJ. Ils sont le petit peuple des échanges MSN, des sites personnalisés de Facebook, des adulations entretenues sur MySpace, des blogs adolescents sur Skyrock. Grégoire passe du temps à leur répondre, à lire ce qu'ils disent, "parce qu'il s'intéresse aux gens, c'est un animal social", précise son ami d'enfance Nicolas Taret, informaticien, "pas fan de sa musique, mais sûr depuis toujours que Grégoire sait réussir".

Réussir, ce n'est pas piquer la place du voisin, c'est trouver la sienne, raconte Grégoire avec cet air préoccupé, sérieux, légèrement tourmenté, qu'il affiche sur la pochette de son album, Toi + Moi. "Star, ce n'est pas un métier, dit-il. George Clooney, il est acteur. Je pars du principe que je suis comme tout le monde. Dans leurs messages, les gens me disent qu'ils sont fatigués, et qu'ils sont heureux de chanter une chanson fédératrice. Moi, comme disait Joe Dassin, je ne chante pas pour changer le monde, mais pour que la vie soit plus légère." Petit, Grégoire écrivait des poèmes aux filles. Grand, il a griffonné des chansons sur les coins de table. Bingo. "Mais attention : c'est l'histoire d'un mec qui va pour la première fois au casino. Il gagne. On sait comment ça finit...", prévient un producteur de musique concurrent en promenade sur la Croisette.

Alors, oui, Grégoire a été battu aux NRJ Awards par Zaho, franco-algérienne, interprète très glamour de C'est chelou. Pourtant, le lendemain, de quoi parle-t-on à la sortie de la conférence de presse de Christine Albanel, ministre française de la culture et de la communication ? Toujours et encore de Grégoire

Car Grégoire, avant d'être chanteur, est un business model, dont l'industrie du disque en perdition est friande. Créée en décembre 2007 par trois associés - dont l'un, Michaël Goldman, est le fils du chanteur Jean-Jacques Goldman - MyMajorCompany s'est inspirée du site américain Artist Share, où des amateurs financent l'album de leur artiste favori par souscription directe. MyMajorCompany demande aux internautes de réunir 70 000 euros, le prix de revient d'un CD, en promettant un retour sur investissement.

Ceux qui ont misé sur Grégoire ont eu du flair : près de 250 000 exemplaires de l'album Toi + Moi (11 titres) se sont vendus en quelques mois, un record pour un jeune chanteur en temps de crise. "La chanson est imparable, le type est sympathique, et les créateurs de MyMajorCompany sont des as du marketing", s'enthousiasme Christophe Sabot, directeur délégué des médias musicaux de NRJ Group. Fin 2007, MyMajorCompany a été lancée sur le Net par des vidéos virales (diffusées partout). Grégoire, avec son "entrez dans la danse", a été immédiatement accepté dans la tribu des fans de Goldman, qui suivent père et fils à la trace. En deux mois, et les 70 000 euros sont là.

Cobaye, Grégoire ? "Pourquoi ? Non, et je trouvais bien dans cette histoire qu'il n'y ait ni perdants ni gagnants, comme c'est le cas dans les concours, si ça ne marche pas, on peut partir." Factotum de Jean-Jacques Goldman, prince du commerce de la musique à la française ? "Je ne l'ai jamais rencontré."

Grégoire a grandi à Senlis (Oise), 20 000 habitants, une forêt. Un père ingénieur, une mère dans l'enseignement, il est le cadet de quatre frères. L'aîné, Ludovic, pile dix ans de plus, lui donne la passion des Beatles, de David Bowie. Grégoire pianote, étudie à la fac de Nanterre. Puis, c'est le temps de petits boulots. "Je m'installais dedans, ce n'était pas déplaisant, ni plaisant." A 25 ans, il se dit qu'il est temps d'avoir un métier. "J'ai choisi la musique." Il répond à une petite annonce sur Internet, et le voici en stage chez Universal Music, comme attaché de presse, attaché aux labels AZ puis Polydor. "J'étais content, je rencontrais des artistes, j'allais au concert. Et j'ai appris qu'il y avait encore des directeurs artistiques accessibles et curieux." Et qu'un bon contrat se signait désormais avec les conseils d'un avocat.

Avec l'arrangeur Franck Authié, il enregistre sept chansons d'amour, prend six rendez-vous avec des maisons de disques, dont l'un chez Bamago, société d'où est issue MyMajorCompany. Il y ajoute Toi + moi in extremis, une chanson de rattrapage. "Je l'ai écrite quand dans ma vie tout était trop lourd." En 2002, Ludovic, le frère aîné, se tue en voiture "à 33 ans". En 2007, le deuxième, Nicolas, se suicide "à 33 ans aussi. Avant cela j'étais fleur bleue, après, je n'ai jamais aussi peu pleuré".

Tandis que Grégoire rêve du grand amour, Stéphane Courbit, ex-président d'Endemol et champion de la télé-réalité, vient d'acheter 49 % du capital de MyMajorCompany.


Commentaires (1)
1. Melle ROUSSEAU LAURENCE ( famille de Melle ROUSSEAU Carole p le 09/08/2009 23:57
Bonjour comment faire pour publier un message a Grégoire? Est ce possible? je sais qu'il ne peut pas sauver le monde, sa chanson "toi+moi ma remi de la beaume au coeur, j'aurais souhaiter me confier a lui, lui faire connaitre mon parcours , qu'il me reponde et me dise , pourquoi pas en faire une chanson..j'essaye d'atteindre la reussite professionnelle , prouver mon potentiel , ce serait un rêve de l'avoir en confidant, je souhaiterai qu'il entre dans la mienne de danse...
Nouveau commentaire :