Guédiguian : "L'armée du crime" doit nous aider à résister ici et maintenant

AFP/Rébecca FRASQUET

"Je trouvais leur histoire tellement belle et héroïque que j'avais un peu peur de la raconter", dit Robert Guédiguian, dont "L'armée du crime" dévoilé au 62e Festival de Cannes, rend hommage au sacrifice des résistants communistes, juifs, arméniens, polonais, espagnols ou italiens.

Guédiguian :
En sélection officielle hors compétition, cet ambitieux film d'époque, le premier tourné par Guédiguian avec un budget de 9 millions d'euros, évoque la France occupée pendant la Seconde guerre mondiale et le sort tragique du Groupe Manouchian, nommé d'après leur chef ouvrier et poète, Missak Manouchian.
Après avoir multiplié les attentats contre nazis et collaborateurs de 1943 à 1944, ses 22 membres furent arrêtés, torturés et exécutés, non sans avoir été présentés par la propagande nazie comme de dangereux criminels sur une "Affiche rouge" montrant leur photo en médaillon, placardée dans tout Paris.
"J'ai toujours été fasciné par ces personnages-là, ils m'ont formé. J'aurais rêvé d'être l'un d'eux. Je trouvais leur histoire tellement belle et héroïque, que j'avais un peu peur de la raconter", affirme l'un des rares cinéastes français à revendiquer ses origines populaires et ses convictions communistes.
"J'avais une vraie angoisse : que le film tiré de cette histoire-là soit moins fort que l'histoire elle-même".
"Je me sentais investi d'une responsabilité hors cinéma, historique, intellectuelle, patrimoniale", poursuit Guédiguian, qui s'est plongé dans livres et archives pour un film dont il revendique la vocation "pédagogique".
"J'espère que l'identification se fera, à travers tous les jeunes acteurs du film" dit-il, heureux d'avoir mêlé Virginie Ledoyen, Robinson Stévenin, Adrien Jolivet ou Grégoire Leprince-Ringuet, nouveaux venus dans son univers, aux complices de toujours : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan.
Déjà à l'affiche du "Voyage en Arménie", Simon Abkarian campe avec sensibilité le poète Missak Manouchian qui, à la veille de sa mort, écrivit à sa femme qu'il n'avait "aucune haine envers le peuple allemand".
"Je pense qu'il faut se dire aujourd'hui ce que se disaient ces gens-là : il n'y a de réussite que sociale et collective, il faut qu'on se batte ensemble".
"Si l'on ne pense qu'à sa propre vie, on échoue forcément : il faut que le geste de vivre pour soi et celui de vivre pour les autres se confondent", estime Guédiguian.
Le cinéaste a co-écrit "L'armée du crime" avec Serge Le Péron et Gilles Taurand le collaborateur d'André Téchiné ou Raul Ruiz, déjà auteur du scénario du "Promeneur du Champ-de-Mars" (2005) où Michel Bouquet prêtait ses traits à un président socialiste François Mitterrand au soir de sa vie.
Il aimerait que son film contribue à renouer avec une "culture de la révolte qui existait depuis des siècles, dont le fil s'est rompu depuis 20 ou 30 ans".
"C'est lié à la culture du mouvement ouvrier, communiste, internationaliste, qui s'est arrêtée à cause de l'effondrement des pays socialistes", note-t-il.
Baigné dans la musique originale composée par Alexandre Desplat mais aussi par la Passion selon saint Matthieu de Bach pour son final tragique, "L'armée du crime" pointe clairement les enjeux de l'Histoire, mais peine à émouvoir, faute de nuances et d'une dramatisation efficace.


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