Guillon : "Je veux que Sarkozy se fasse une opinion juste de mon travail"

lepoint.fr/Emmanuel Berretta

Le patron de Radio France, Jean-Paul Cluzel, invité vendredi du Grand Journal sur Canal+, a révélé que son entrevue avec Nicolas Sarkozy - le 17 mars au soir - avait, en partie, tourné autour des mérites comparés de Stéphane Guillon et de Pierre Desproges...

Guillon :
Un débat sur la place de l'humour dans la société et bien sûr, sur ses limites. L'interview que l'humoriste de France Inter a accordé au point.fr le 12 mars dernier éclaire sur l'état d'esprit de l'homme qui ne fait pas rire l'Élysée. Entretien vérité.
lepoint.fr : Finalement, toute cette histoire aurait dû se régler entre quatre yeux, entre vous et Jean-Paul Cluzel. Vous auriez pu comprendre qu'on vous demande de lever le pied, ne serait-ce que sur les blagues portant sur le physique des personnes ?
Stéphane Guillon : Mais bien sûr. D'ailleurs, il est arrivé qu'on me dise de ne pas être trop à charge dans telle ou telle direction. À France Inter, j'ai déjà beaucoup de chance d'être libre à 95 %. Si je me bats pour les 5 % restants, je risque de tout perdre.
lepoint.fr : À propos de votre chronique sur DSK, vous ne regrettez rien ?
S.G. : Je suis un sale gosse comme tous les humoristes. Il suffit qu'on nous dise de ne pas faire ça pour qu'on en remette une couche. Je ne dis pas que ce soit la meilleure chose que j'ai écrite. Comme dit Frédéric Schlesinger, le patron de France Inter, on ne tutoie pas les anges tous les jours... Je vous ferai toutefois remarquer que Dominique Strauss-Kahn a pris neuf points dans les sondages depuis ma chronique. Elle ne lui a donc pas nui. Les gens ont envie de rire. Sachez bien que je ne fais pas ça pour l'argent. Je refuse des galas pour assurer ma chronique sur France Inter. C'est un choix de plaisir. Si on devait la supprimer, je m'en remettrais. Je ne ferais pas de polémique et je ne ferais pas de scandale. D'abord je dormirais davantage, et je m'occuperais de mon jardin. Mais je serais triste pour les deux millions d'auditeurs de France Inter.
lepoint.fr : Il y a une phrase que vous prononcez souvent et qui fait débat : "Si pour faire rire des milliers de personnes, il faut en blesser une, j'en prends le risque" ...
S.G. : Oui, et je l'assume. Si on doit faire attention à tout, on ne dit plus rien.
lepoint.fr : Avez-vous le sentiment que l'époque ait changé et que certaines formes d'humour soient moins tolérées par le corps social ?
S.G. : Oui, l'époque a changé. Je peux dater le phénomène et j'entrevois trois raisons. Entre 1986 et 1988, les trois monstres sacrés de l'insolence, Thierry Le Luron, Coluche et Pierre Desproges, disparaissent du paysage. Guy Bedos s'est senti soudain très seul. Ensuite, les émissions de télévision en direct ont été supprimées et on a habitué les esprits aux propos lisses. Enfin, on est entré dans l'ère de ce que j'appelle "l'humour industriel".
lepoint.fr : Que voulez-vous dire par là ?
S.G. : Quand un humoriste vend un million de DVD, il ne peut plus être aussi corrosif et il a besoin de puissants relais promotionnels. Donc, il ne peut plus se fâcher avec tel ou tel animateur-producteur de la télévision... L'humour industriel formate un humour dans la norme, qui ne dérange pas.
lepoint.fr : Avez-vous le sentiment d'avoir plombé le renouvellement du mandat du président de Radio France, Jean-Paul Cluzel ?
S.G. : Je n'ai pas l'impression d'avoir plombé Jean-Paul Cluzel. Je le connais très peu.
lepoint.fr : Avez-vous eu des contacts directs avec l'Élysée ?
S.G. : Aucun contact.
lepoint.fr : Nicolas Sarkozy a eu des mots cinglants pour votre travail jugé "inadmissible" et "méchant". Vous avez annoncé que vous alliez lui écrire... Qu'en est-il ?
S.G. : Un artiste, ce n'est pas seulement un mec qui dit "pot à tabac" [référence à Martine Aubry qui, d'ailleurs, l'a bien pris, ndlr]. Pour juger quelqu'un, il faut le connaître. Moi je connais bien le parcours du président de la République, lui ne sait rien de mon travail. Donc, je vais lui envoyer les DVD de mes spectacles et mon livre, avec un petit mot, afin qu'il se fasse une opinion juste de mon travail.


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