Iran: La France n'a rien à regretter face à Trump, assure Parly

Reuters

Paris - La France prépare avec ses alliés européens une offensive diplomatique et économique pour tenter de contrer la décision de Donald Trump de se retirer de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran et de rétablir des sanctions économiques contre Téhéran et les entreprises coopérant avec la République islamique.

Bien qu’attendue, l’annonce mardi soir du président américain est un coup dur pour Paris, Londres et Berlin, qui avaient tenté ces derniers mois de convaincre Washington de rester dans le cadre de cet accord âprement négocié.

Le rétablissement des sanctions - immédiat pour les nouveaux contrats et à l’issue de périodes transitoires de 90 à 180 jours pour les groupes déjà présents - est également source d’inquiétude pour les grands groupes européens, notamment Airbus, les constructeurs automobiles français PSA et Renault, le groupe pétrolier Total et le pharmaceutique Sanofi.

“Nous allons évidemment tout faire, en lien avec nos entreprises pour protéger leurs intérêts”, a déclaré mercredi une source à l’Elysée. “Nous allons en parler à nos entreprises, entre Européens” et “nous allons le traiter au niveau de l’ensemble de l’Union européenne avec les Etats-Unis”.

La question sera notamment discutée en marge du sommet UE-Balkans prévu les 16 et 17 mai à Sofia. Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire aura pour sa part un contact d’ici la fin de semaine avec le secrétaire d’Etat américain au Trésor Steve Mnuchin.

Entretemps, le gouvernement rencontrera les entreprises françaises présentes en Iran “pour essayer au maximum de les préserver” des sanctions que les Etats-Unis vont rétablir, a indiqué le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.

COMMERCER EN EUROS?
L’enjeu est de taille pour la France. Deuxième partenaire commercial de l’Iran au sein de l’UE, derrière l’Italie et l’Allemagne, l’Hexagone a vu ses échanges avec la République islamique, qui avaient chuté pendant les sanctions internationales, redécoller en 2016 sous l’effet de l’accord de Vienne de juillet 2015.

Après avoir progressé de 28% à 722 millions d’euros en 2016, les exportations françaises ont plus que doublé en 2017 pour s’établir à 1,5 milliard d’euros, tirées par les livraisons d’Airbus (+1.291% à 391 millions) et de pièces détachées automobiles (+614% à 144 millions), selon les douanes.

Pour continuer sur cette lancée et parer d’éventuelles nouvelles sanctions américaines face aux menaces brandies par Donald Trump, le directeur de BpiFrance avait dit en février que la France commencerait à proposer des crédits libellés en euros aux acheteurs iraniens de ses biens d’ici la fin de l’année.

Interrogée sur la possibilité de commercer plus globalement avec l’Iran en euros pour éviter des sanctions, l’Elysée estime que cette question appartient “aux discussions que nous avons, ce n’est pas forcément aussi simple”.

Une source gouvernementale a elle aussi émis des doutes.

“C’est clair que dans le contexte actuel il y a une vraie question sur la pérennité et la pertinence d’un dispositif de ce type”, a-t-elle déclaré.

La priorité pour l’heure est de voir “ce qui peut être fait d’un point de vue très technique, (à savoir) est-ce qu’on prend ce qu’on appelle des “clauses grand-père”, si des accords qui ont été déjà signés depuis longtemps vont continuer à s’appliquer, si on peut envisager des exemptions”, a dit Bruno Le Maire mercredi sur France Culture.

La situation actuelle fait “des Etats-Unis le gendarme économique de la planète et je considère que ça n’est pas une situation qui est acceptable”, a-t-il ajouté.

“CADRE GLOBAL”
Au-delà de l’impact économique, la décision américaine met à mal un accord qui avait permis d’encadrer l’activité nucléaire de l’Iran. Premier dirigeant européen à s’exprimer après l’allocution de Donald Trump, Emmanuel Macron entend rester au centre du jeu sur ce dossier avec sa proposition d’accord “plus large” à même selon Paris de répondre aux inquiétudes de Washington et d’assurer la stabilité de la région.

Ce “nouvel accord” doit permettre d’englober quatre volets : bloquer toute activité nucléaire iranienne jusqu’en 2025, empêcher à plus long terme toute activité nucléaire, stopper les activités balistiques de l’Iran et créer les conditions d’une stabilité politique dans la région.

Cette proposition “est là aujourd’hui pour donner une perspective pour éviter un vide stratégique”, souligne-t-on à l’Elysée, où l’on précise que la question iranienne sera abordée lors du déplacement d’Emmanuel Macron fin mai à Moscou, autre signataire de l’accord de 2015 avec Pékin. La Chine comme la Russie ont réaffirmé ces dernières 24 heures leur engagement à la mise en oeuvre de l’accord.

Reste à déterminer de quelle manière la France et ses alliés européens vont pouvoir convaincre l’Iran et le président Hassan Rohani - avec lequel Emmanuel Macron doit s’entretenir mercredi au téléphone. A Paris, on se veut prudent mais optimiste.

“Officiellement l’Iran était dans une position très défensive par rapport à cette proposition telle qu’elle a été formulée à Washington, ce qui est assez logique et cohérent avec ce qu’avait dit l’Iran avant et après l’adoption de l’accord de 2015 qui pouvait se résumer ainsi ‘tout l’accord mais rien que l’accord’”, indique-t-on à l’Elysée.

“Néanmoins, on a constaté avant la décision américaine un état d’esprit assez ouvert du président Rohani notamment lors de discussions avec le président français pour échanger et mieux comprendre” à partir du moment où il avait l’assurance que “notre priorité était de préserver l’accord tel qu’il existe”, ajoute-t-on.


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