Islam en Amérique : Au commencement étaient les esclaves africains

AA

Dakar- Il y a près de quatre siècles, la religion musulmane s’est exportée en Amérique grâce aux esclaves africains. La traite des nègres ayant, alors, dépouillé l’Afrique de 10 à 15 millions de personnes a ainsi conduit près de 20 à 30% des Musulmans dans de nouvelles zones comme l’Amérique, d’après des estimations d’experts.

Si certains ont renié leur foi sous le coup de « la torture» d’autres ont néanmoins réussi à faire prévaloir leur « identité socio-religieuse », ont soutenu des chercheurs approchés par Anadolu, à l’occasion d’une conférence, samedi dernier à l’Université de Dakar (Sénégal). 

Débattant du thème « Islam et islamisation en Afrique occidentale du milieu du 16e au 17e siècle : l’exemple de la Sénégambie », ces historiens ont conforté cette thèse, revenant sur les cas de la Colombie et des Etats Unis. 

- Une élite politique convertie à l’Islam 

« La force de l’islam c’est la pratique et c’est cette pratique qui a fait que cette religion s’est exportée dans la durée et l’espace », a d’emblée mentionné le chercheur brésilien Thiago Henrique Sylva Motta. Il a ensuite expliqué que chez les esclaves « la survivance socio-religieuse dans la pratique » a été constatée en terre d’accueil. 

« On découvre que dès le 16ème siècle il y a eu des esclaves qui ont été emmenés en Colombie », a fait savoir Idrissa Bâ, coordonnateur du laboratoire des études historiques sur les inventions culturelles du Sénégal (Ethic). 

« C’est une communauté sur laquelle on est très bien informé grâce à ses propres discours et aux archives de l’Inquisition. C’était des musulmans qui tenaient à leurs valeurs socio-culturelles et à la pratique de l’islam qu’ils ont préservée», a-t-il poursuivi. 

Corrélant la période de l’esclavage à l’existence d’un « islam déjà mature » en Sénégambie (ensemble autrefois formé par le Sénégal et la Gambie), Motta a affirmé que le grenier dans lequel a puisé la traite des noirs était « une société qui était déjà imprégnée de l’islam en termes de pratiques, de valeurs et de vertus ». 

Le niveau de connaissance de l’Islam était très avancé et parfaitement assimilé par les populations, d’après ces mêmes sources qui ont relevé, en Afrique occidentale, « la présence d’une élite politique convertie à l’Islam dès le 9ème siècle »,

- Des « Noirs mahométans supérieurs à des indigènes et des colons blancs» 

Les écrits de l’anthropologue et écrivain brésilien Gilberto Freyre (1900-1987) confirment ce constat. Parlant des Africains venus au Brésil à partir du 16ème siècle et jusque vers le milieu du 19ème, Freyre affirme : « La vérité c’est qu’on a importé au Brésil de l’aire la plus pénétrée par l’Islam en Afrique subsaharienne, des Noirs mahométans (adeptes de la religion du prophète Mohamed, ndlr) supérieurs non seulement à nos indigènes, mais encore à la plus grande majorité des colons blancs ». Des propos que l’on retrouve dans un de ses ouvrages proposant l’analyse du processus civilisateur constitutif de la société brésilienne et publié en 1974.


C’est d’ailleurs à Bahia, dans ce pays, qu’a eu lieu en 1835, durant le mois de ramadan (mois du jeûne), la révolte des Malès (les musulmans maîtrisant la langue arabe). Cette insurrection a été conduite par des esclaves musulmans et s’est soldée par un échec. 

L’Amérique du Nord n’a pas non plus été épargnée par cette expansion de la religion musulmane arrivée à maturation dans la pratique et portée par des doctes. Se référant aux travaux de son collègue chercheur Ibrahima Seck, le coordonnateur d’Ethic localise « une diaspora précoce de musulmans de la Sénégambie dans le sud des USA, en Louisiane par exemple ». La tête de file de cette communauté de musulmans déportés est sans doute Omar Ibn Saïd (1770-1863) auteur de 14 manuscrits rédigés en langue arabe. Érudit capturé à 37 ans au Sénégal puis vendu en Caroline du Sud, il a donné à la postérité une célèbre autobiographie écrite en 1831. Une mosquée en Caroline du Nord porte son nom, depuis 1991. 

L’exportation de l’Islam dans ces contrées ne s’est, toutefois, pas perpétuée par le sang, d’après des sources concordantes,. Elle s’est faite par la conversion et les mouvements migratoires en provenance d'Afrique et du Moyen Orient.

Les Musulmans se chiffrent à « environ 1 million de fidèles au Brésil » selon le professeur à l’université de Fluminense Paulo da Rocha Pinto cité par le Figaro dans un article publié en 2010, à « 10 à 14 mille» en Colombie, et à « près de 3,3 millions de musulmans aux USA, d’après une étude du Centre de recherche américain « Pew research center», datant de 2015.


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