Kurdes: le PKK fait un geste envers Ankara et libère des prisonniers turcs
AFP
Cizre (Turquie) - Les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont libéré mercredi, comme convenu, huit prisonniers turcs qu'ils détenaient depuis deux ans dans une base du nord de l'Irak, un geste en direction du gouvernement d'Ankara destiné à favoriser les discussions de paix engagées en décembre.
Ils ont ensuite immédiatement pris la route jusqu'au poste-frontière de Habur, près de la ville turque de Cizre, où ils ont retrouvé leurs proches en début d'après-midi loin des regards des journalistes. Ils devaient ensuite être rapatriés par avion dans leurs foyers.
Le PKK a présenté cette libération, à la demande expresse de son chef emprisonné Abdullah Öcalan, comme un geste de bonne volonté.
"Nous avons procédé à cette libération avec les meilleures intentions qui soient. Nous ne comptons en tirer aucun profit, qu'il soit politique ou financier. Il s'agit simplement d'un geste humanitaire", a assuré devant la presse un des commandants de la branche armée de la rébellion kurde, Baver Dersim (bien Dersim).
"Aujourd'hui, la balle est dans le camp de la Turquie. A elle de prouver sa bonne volonté pour que soit enclenché un processus de paix", a-t-il ajouté.
Ces prisonniers avaient été capturés dans le sud-est de la Turquie, théâtre des combats qui opposent les rebelles kurdes et les forces de sécurité turques.
Le PKK a déjà procédé dans le passé à des libérations de prisonniers turcs. Celle-ci s'inscrit clairement dans le cadre des discussions de paix reprises au mois de décembre entre le gouvernement islamo-conservateur d'Ankara et Abdullah Öcalan, qui purge depuis 1999 une peine de prison à vie.
La libération de ces prisonniers a été saluée par le président turc Abdullah Gül, en visite en Suède. "Si la violence et les armes sont abandonnées, alors nous pourrons facilement passer des questions de sécurité aux réformes", a espéré M. Gül.
"Bonne volonté"
Le ministre de l'Intérieur Muammer Güler a lui aussi exhorté les rebelles à confirmer sur la voie "d'actions de bonne volonté". "S'ils veulent la paix, ils doivent continuer dans cette voie", a-t-il dit aux journalistes à Ankara.
Selon des sources gouvernementales et kurdes, Abdullah Öcalan devrait maintenant appeler à un cessez-le-feu unilatéral le 21 mars, à l'occasion du nouvel an kurde, le Newroz, puis un abandon complet des armes d'ici août.
En échange, le gouvernement islamo-conservateur turc a présenté la semaine dernière au Parlement un projet de loi qui doit permettre la libération de certains militants kurdes accusés de collusion avec le PKK.
Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a également proposé aux combattants du PKK qui accepteraient de déposer les armes un sauf-conduit vers l'Irak, mais il a écarté catégoriquement le scénario d'une amnistie générale.
L'un des députés du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, pro-kurde) présent dans la délégation turque qui a récupéré les prisonniers a pourtant fait de la remise en liberté du chef historique du PKK une condition à la poursuite des discussions.
"Le processus de paix ne continuera pas en Turquie sans la libération de notre chef Abdullah Öcalan", a insisté Husamettin Zenderlioglu.
Le chef du PKK doit recevoir pour la troisième fois dans sa prison d'Imrali (nord-ouest de la Turquie) une délégation de députés du BDP "dans les jours prochains, peut-être la semaine prochaine", a indiqué le porte-parole du Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir), Hüseyin Celik.
L'opération s'est déroulée dans la discrétion pour ne pas froisser l'opinion publique turque, dont une partie rejette toute discussion avec le PKK, une organisation classée comme "terroriste" par Ankara et de nombreuses capitales étrangères.
En 2009, de précédents efforts de paix avaient déraillé lorsqu'un groupe d'une trentaine de combattants du PKK avaient symboliquement déposé les armes et étaient rentrés en Turquie, où ils avaient été accueillis en héros. Ces manifestations avaient viré en protestation contre le gouvernement turc.
Le conflit kurde a causé la mort de plus de 45.000 personnes depuis 1984.