L'Allemagne va faire payer ses banques pour la crise
AFP
Bérlin - Prenant les devants en Europe, Berlin a adopté mercredi un projet de taxe bancaire censé éviter que le contribuable paye pour les faillites de banques, mais dont l'effet risque de n'être que symbolique.
Les sommes récoltées serviront à créer un fonds dans lequel puiser en cas de menace de faillite d'une banque jugée d'importance stratégique. Le montant de la taxe, à fixer dans un règlement ultérieur, sera fonction de la taille et du degré de risque des activités.
L'Allemagne, échaudée après des sauvetages publics très coûteux, prend donc les devants en Europe et dans le monde en lançant concrètement sa taxe bancaire.
Face à la crise financière, l'Etat allemand a dû nationaliser en catastrophe l'établissement spécialisé Hypo Real Estate (HRE), bénéficiaire de plus de 100 milliards d'euros de garanties publiques, ou encore entrer au capital de la Commerzbank.
Dans les deux cas, les banques ont bénéficié de gros versement en liquide d'argent public: 7,8 milliards pour HRE et 18,2 milliards pour Commerzbank.
Le gouvernement allemand n'a jusqu'ici pas donné de chiffres pour les recettes espérées, mais il a indiqué qu'en 2006, bonne année pour les banques, cette taxe aurait généré 1,3 milliard d'euros.
Il aurait donc fallu une vingtaine d'années bénéficiaires pour les banques afin de parvenir à sauver HRE et Commerzbank.
"Dans la pratique, c'est le contribuable qui continuera à payer" en cas de crise, déclare à l'AFP Konrad Becker, analyste des banques pour la maison Merck Finck.
Le gouvernement reste "étrangement impuissant", commentait pour sa part le quotidien Süddeutsche Zeitung dans un éditorial, ajoutant: "c'est une illusion de croire qu'une crise bancaire profonde pourra être résolue sans l'Etat."
L'Allemagne espère pourtant convaincre d'autres de s'inspirer de sa taxe.
Avec un sens certain de la litote, le ministre français au Budget François Baroin a reconnu mardi à l'issue d'une visite à Berlin qu'il restait "un travail pédagogique à faire", tant auprès des pays du G20 que des Européens.
Si la France et la Grande-Bretagne, par exemple, réfléchissent à une taxe bancaire, le Congrès américain a lui enterré un projet de prélèvement de 19 milliards d'euros, et le Canada comme les pays émergents ferraillent contre une telle idée.
"Ce n'est pas parce que l'on est seul à faire quelque chose de bien, qu'il ne faut pas le faire", estimait M. Becker.
Il n'en annonce pas moins que "la compétitivité des banques allemandes va souffrir, au moins à court terme."
Si la taxe bancaire risque de n'avoir qu'une portée presque symbolique, il n'en va pas de même pour d'autres volets du projet de loi, selon l'analyste.
Le texte adopté mercredi donne également la possibilité à l'Etat et à l'autorité de surveillance du secteur bancaire d'intervenir plus vite et de manière plus autoritaire lorsqu'une banque jugée d'importance stratégique donne des signes de faiblesse.
Le gouvernement aura ainsi le droit de liquider certains actifs de l'institution menacée, passant éventuellement outre l'avis des actionnaires.
"Cela va donner à réfléchir aux dirigeants et aux actionnaires", juge M. Becker, ajoutant: "L'idée de base est la suivante: nous ne laisserons plus les banques nous faire du chantage."