L'Etat islamique désigné ennemi numéro 1 au Sahel
AFP
Bamako - Qui est aujourd'hui l'ennemi jihadiste qui tue par dizaines au Sahel et pose un redoutable défi aux forces nationales et internationales ? Le groupe Etat islamique (EI), ont répondu lundi les chefs d'Etat de la région et leur allié français.
Depuis le début du conflit, des groupes basés au Mali et regroupés sous la bannière d'Al Qaïda constituaient la figure de proue du jihadisme sahélien. Mais désormais, l'"ennemi prioritaire", c'est l'EI, a assuré le président français Emmanuel Macron.
"La priorité, c'est l'Etat islamique du Grand Sahara" (EIGS), a-t-il déclaré devant ses alliés sahéliens rassemblés en sommet à Pau (sud-ouest de la France).
Le groupe a été créé en 2015 par Adnane Abou Walid al-Sahraoui, ancien membre du Front Polisario, puis d'un groupe jihadiste, le Mujao. Désavouée par ce dernier groupe dont elle avait fait scission, sa "katiba" a été reconnue par le groupe EI en 2016.
Depuis, "il y a eu une importante montée en puissance de l'EIGS", estime Mahamoudou Savadogo, chercheur burkinabè au Carrefour d'études et de recherche d'action pour la démocratie et le développement.
"Jusqu'en 2018, le groupe a travaillé à s'implanter dans la zone des trois frontières (Niger, Burkina Faso et Mali), à recruter et se financer. Et en 2019 ils étaient prêts".
Les attaques les plus meurtrières de ces derniers mois ont eu lieu dans la zone d'influence de l'EIGS, qui les a quasiment toutes revendiqués. Elles ont été menées dans un rayon de 200 km dans la région des trois frontières: jeudi à Chinégodar (Niger, 89 soldats tués), fin décembre à Arbinda (Burkina, 42 morts, dont 35 civils), le 10 décembre à Inates (Niger, 71 soldats tués), et en novembre les combats à Tabankort (Mali, 43 soldats tués) et l'attaque d'Indelimane (Mali, 49 soldats tués).
Le mode opératoire reste le même: des dizaines de motos fondent sur un camp militaire isolé, en détruisent les moyens de communication, le pilonnent au mortier, et tuent les soldats sur place, puis s'échappent dans la brousse avant toute riposte.
"Les dernières attaques semblent montrer que le groupe a acquis des compétences en +command and control+ (commandement et coordination) qu'il n'avait pas avant, avec des chefs de groupes capables de monter des attaques d'ampleur", s'inquiète une source militaire française.
Le groupe - comme les autres au Sahel - emploie des "combattants de circonstance", estime un expert de sécurité à Bamako. "Pour un combattant entraîné et radicalisé, il y a deux ou trois proxies (alliés) embauchés pour l'attaque seulement", détaille-t-il.
Selon de fins connaisseurs du contexte, le noyau dur du groupe ne dépasserait pas "200 à 300" personnes.
"Ils font appel aux braconniers, aux criminels, aux trafiquants", explique M. Savadogo en invoquant leur parfaite connaissance du terrain.
Le groupe reçoit en outre un appui technique de la branche de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP), assure Matteo Puxton, analyste indépendant qui s'exprime sous un pseudonyme après avoir été menacé.
Selon la propagande islamiste, l'EIGS a été incorporé mi-2019 à l'ISWAP, qui comprend également une faction dissidente du groupe Boko Haram au Nigeria.
"La maison mère de l'EI a pris les rênes de l'EIGS. Cela se voit dans la propagande, dans la technicité", estime M. Puxton, qui analyse la propagande de l'EI depuis ses débuts.
"Ce n'est plus le niveau des attaques de l'EIGS en 2015, il y une sophistication des opérations et, pour la première fois dans la propagande, il y a des vidéos longues montées par l'appareil central de propagande de l'EI".
Le groupe EI a publié vendredi une vidéo de 31 minutes d'attaques qu'il revendique au Sahel. "Ce genre de vidéo ressemble à celle des attaques de bases au Levant en 2013/14, c'est la vidéo de l'EI la plus fournie et la plus intéressante depuis des mois", explique-t-il.
"Tout le monde a sans doute sous-estimé l'EIGS", conclut M. Savadogo.
Sans dénier cette dynamique, Jean-Hervé Jézéquel, directeur du projet Sahel au think-tank International Crisis Group, met en garde contre les simplifications qui occulteraient les complexités de la crise. Pour les responsables français ou sahéliens, le groupe EI est "un ennemi facile à afficher comme un méchant par sa réputation de violence, en terme d'affichage on a là un adversaire vraiment repoussoir", juge-t-il.
"L'Etat islamique pour le Grand Sahara (EIGS) se révèle notre principal ennemi, sur lequel nous devons davantage orienter notre lutte", n'en a pas moins déclaré le président du Burkina Faso Roch Marc Christian Kaboré sur Facebook lundi.
"La priorité, c'est l'Etat islamique du Grand Sahara" (EIGS), a-t-il déclaré devant ses alliés sahéliens rassemblés en sommet à Pau (sud-ouest de la France).
Le groupe a été créé en 2015 par Adnane Abou Walid al-Sahraoui, ancien membre du Front Polisario, puis d'un groupe jihadiste, le Mujao. Désavouée par ce dernier groupe dont elle avait fait scission, sa "katiba" a été reconnue par le groupe EI en 2016.
Depuis, "il y a eu une importante montée en puissance de l'EIGS", estime Mahamoudou Savadogo, chercheur burkinabè au Carrefour d'études et de recherche d'action pour la démocratie et le développement.
"Jusqu'en 2018, le groupe a travaillé à s'implanter dans la zone des trois frontières (Niger, Burkina Faso et Mali), à recruter et se financer. Et en 2019 ils étaient prêts".
Les attaques les plus meurtrières de ces derniers mois ont eu lieu dans la zone d'influence de l'EIGS, qui les a quasiment toutes revendiqués. Elles ont été menées dans un rayon de 200 km dans la région des trois frontières: jeudi à Chinégodar (Niger, 89 soldats tués), fin décembre à Arbinda (Burkina, 42 morts, dont 35 civils), le 10 décembre à Inates (Niger, 71 soldats tués), et en novembre les combats à Tabankort (Mali, 43 soldats tués) et l'attaque d'Indelimane (Mali, 49 soldats tués).
Le mode opératoire reste le même: des dizaines de motos fondent sur un camp militaire isolé, en détruisent les moyens de communication, le pilonnent au mortier, et tuent les soldats sur place, puis s'échappent dans la brousse avant toute riposte.
"Les dernières attaques semblent montrer que le groupe a acquis des compétences en +command and control+ (commandement et coordination) qu'il n'avait pas avant, avec des chefs de groupes capables de monter des attaques d'ampleur", s'inquiète une source militaire française.
Le groupe - comme les autres au Sahel - emploie des "combattants de circonstance", estime un expert de sécurité à Bamako. "Pour un combattant entraîné et radicalisé, il y a deux ou trois proxies (alliés) embauchés pour l'attaque seulement", détaille-t-il.
Selon de fins connaisseurs du contexte, le noyau dur du groupe ne dépasserait pas "200 à 300" personnes.
"Ils font appel aux braconniers, aux criminels, aux trafiquants", explique M. Savadogo en invoquant leur parfaite connaissance du terrain.
Le groupe reçoit en outre un appui technique de la branche de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP), assure Matteo Puxton, analyste indépendant qui s'exprime sous un pseudonyme après avoir été menacé.
Selon la propagande islamiste, l'EIGS a été incorporé mi-2019 à l'ISWAP, qui comprend également une faction dissidente du groupe Boko Haram au Nigeria.
"La maison mère de l'EI a pris les rênes de l'EIGS. Cela se voit dans la propagande, dans la technicité", estime M. Puxton, qui analyse la propagande de l'EI depuis ses débuts.
"Ce n'est plus le niveau des attaques de l'EIGS en 2015, il y une sophistication des opérations et, pour la première fois dans la propagande, il y a des vidéos longues montées par l'appareil central de propagande de l'EI".
Le groupe EI a publié vendredi une vidéo de 31 minutes d'attaques qu'il revendique au Sahel. "Ce genre de vidéo ressemble à celle des attaques de bases au Levant en 2013/14, c'est la vidéo de l'EI la plus fournie et la plus intéressante depuis des mois", explique-t-il.
"Tout le monde a sans doute sous-estimé l'EIGS", conclut M. Savadogo.
Sans dénier cette dynamique, Jean-Hervé Jézéquel, directeur du projet Sahel au think-tank International Crisis Group, met en garde contre les simplifications qui occulteraient les complexités de la crise. Pour les responsables français ou sahéliens, le groupe EI est "un ennemi facile à afficher comme un méchant par sa réputation de violence, en terme d'affichage on a là un adversaire vraiment repoussoir", juge-t-il.
"L'Etat islamique pour le Grand Sahara (EIGS) se révèle notre principal ennemi, sur lequel nous devons davantage orienter notre lutte", n'en a pas moins déclaré le président du Burkina Faso Roch Marc Christian Kaboré sur Facebook lundi.