L'Europe désarmée face à la crise des producteurs de lait

AFP

Bruxelles - La Commission européenne a refusé mercredi de céder à la pression des agriculteurs qui manifestent face à la chute des prix du lait, rejetant toute idée de baisse contraignante de la production et affirmant n'avoir guère de moyen pour les aider à traverser la crise.

L'Europe désarmée face à la crise des producteurs de lait
"J'aimerais avoir une baguette magique" pour faire remonter les prix "mais je n'en ai pas", a déclaré la commissaire européenne à l'Agriculture, Mariann Fischer Boel, tout en reconnaissant que la crise actuelle était "grave" et "l'empêchait parfois de dormir la nuit".

"Certains agriculteurs, qui n'ont pas de banque prête à les aider à traverser cette crise, sont en mauvaise posture", a reconnu la commissaire danoise, dont le mari fut agriculteur et dont la fille exerce encore cette profession.

Mais pour elle, pas question de réintroduire de la gestion planifiée de production afin d'ajuster les prix. Le salut ne pourra venir que d'une demande plus forte et d'une rémunération accrue des producteurs là où coopératives et distributeurs se réservent des marges douteuses sur la revente.

Elle a même suggéré mercredi aux Européens d'acheter du lait au lieu de se ruer sur les bouteilles de Coca-Cola.

"Je ne ce comprends toujours pas le manque de clairvoyance des consommateurs. Le prix du Coca-Cola +Zéro+ est compris entre 1 euro et 1,26 euro le litre, c'est beaucoup plus cher que le lait" malgré des coûts de production très inférieurs, a-t-elle dit.

Pour le reste, la Commission n'a proposé mercredi que des mesures de soutien limitées face à la chute des prix de plus de 50% dans certains pays depuis fin 2007.

Bruxelles propose de faciliter l'octroi d'aides publiques nationales aux exploitants en difficulté, ainsi qu'une gestion un peu plus rigoureuse des quotas (plafonds de production) laitiers.

Les exploitants qui dépassent leur plafond individuel pourraient être punis, y compris dans les pays comme la France où le quota national n'est pas atteint, et les fonds récoltés seraient utilisés "pour financer l'abandon volontaire de la production de lait".

En revanche, Bruxelles refuse l'idée d'une prime à l'abattage des vaches et surtout rejette tant une baisse des quotas de production - demandée par une partie de la profession- qu'un gel, suggéré par l'Allemagne et la France.

"Ne faites pas des quotas un bouc émissaire", a plaidé Mme Ficher Boel à l'adresse des exploitants, car ils ne sont pas selon elle à l'origine de la chute des prix, les plafonds de production n'étant pas atteints dans l'UE.

Elle sait avoir sur ce point le soutien d'une proportion suffisante de pays de l'UE (l'Italie, les Pays-Bas et l'Autriche veulent ainsi la suppression des quotas car leur production les dépasse).

Mais cette fermeté n'est pas du goût d'un nombre grandissant de producteurs de lait. Des exploitants belges l'ont fait savoir à nouveau dans la rue mercredi à Bruxelles, en manifestant à bord de 400 tracteurs.

"La libéralisation semble passer avant la survie des exploitations laitières", a protesté mercredi la fédération des producteurs européens de lait (EMB), qui réunit les agriculteurs les plus résolus.

"Compte tenu des prix (du lait) qui, actuellement, ne couvrent que la moitié des coûts de production, beaucoup n’auront, au cours des prochaines semaines, plus d’autre issue" que "de mettre la clef sous la porte" si les quantités produites ne sont pas réduites, a dit son président, Romuald Schaber.

Pour le Français José Bové, figure de l'altermondialisme, la Commission est "autiste" et fait preuve "d'idéologie libérale" pour "restructurer le secteur en faisant dégager les petits paysans".