L'Osservatore Romano, journal du pape, à la fois moderne et dans la ligne

AFP

Cité du Vatican - Alors que la démission inattendue du pape pose quantités de questions inédites, l'Osservatore romano est aujourd'hui le journal le plus scruté à Rome: c'est lui qui révèle la ligne du Vatican, tout en cherchant à moderniser son langage.

L'Osservatore Romano, journal du pape, à la fois moderne et dans la ligne
Quelques heures seulement après l'annonce surprise de Benoît XVI, un article révélait que ce dernier s'était déterminé à renoncer à sa charge après son voyage épuisant au Mexique et à Cuba, qui lui avait montré la limite de ses forces. Signé "gmv", soit Giovanni Maria Vian, 60 ans, historien, directeur depuis 2007 de ce quotidien, grand admirateur de Benoît XVI.

Mettre l'accent sur l'histoire, la culture contemporaines et les débats de société, tout en restant la voix officieuse du Saint-Siège: c'est la version 2013 de l'Osservatore au service d'un pape intellectuel.

Le quotidien à l'histoire mouvementée, qui a fêté ses 150 ans en 2011 et traversé deux guerres mondiales, a connu depuis 2007 une modernisation et une ouverture discrètes, encouragées par un pape réservé qui s'est intéressé à la communication.

"On s'attache chaque jour à garder notre particularité, tout en nous rapprochant des standards normaux d'un journal: par exemple employer un langage laïc que tout le monde peut comprendre. Nous ne cherchons pas la polémique, nous voulons convaincre plutôt que vaincre", assure M. Vian à l'AFP dans son petit bureau décoré de reproductions de "l'Ile Noire" et du "Sceptre d'Ottokar".

Pourquoi cette passion pour Tintin? Parce que, raconte fièrement ce directeur très francophone, Hergé est le tenant de la "ligne claire" qu'il retient aussi comme définition pour son journal et pour la pensée du théologien Joseph Ratzinger. Pour M. Vian, Tintin est "un héros catholique".

Dans un immeuble banal, adossé à la muraille vaticane, un dédale de couloirs un peu tristes conduit à des salles de rédaction aux équipements informatiques flambants neufs.

En plus du quotidien en italien, il publie des éditions hebdomadaires en huit langues dont le malayalam, la langue des chrétiens du Kerala en Inde.

Depuis la mi-2012, il édite un petit mensuel sur les femmes dans l'Eglise, "Donne chiesa monde" ("Femmes, Eglise, monde").

La chronique italienne, jadis très étendue, est réduite et intégrée dans les informations internationales du quotidien. Il publie des critiques peu conventionnelles de livres et films. Des accents très forts sont mis sur l'Histoire, puisant dans l'immense patrimoine de deux mille ans de christianisme. Un des thèmes favoris est la défense du rôle de Pie XII vis à vis des juifs italiens à l'époque de la Shoah, face à ceux qui estiment au contraire qu'il n'a pas fait assez.

Bien sûr, ce n'est pas la voix du Vatican "quand nous parlons du dernier James Bond ou des Beatles, mais quand nous informons sur un enjeu de société, on peut légitimement interpréter qu'il s'agit de la position du Saint-Siège", explique M. Vian.

Par exemple l'abondante défense de "la voie française" empruntée par les opposants au mariage gay dans l'Hexagone a été frappante, avec de nombreuses reprises de chroniques de philosophes, sociologues, psychologues, croyants ou non, venant de journaux comme Le Monde, Le Figaro ou La Croix.

Une des plumes du journal, l'historienne Lucetta Scaraffia, cheveux blancs et yeux bleus gris songeurs, y combat la théorie du "genre" (détermination sociologique du sexe) au nom de sa conception du "féminisme". Le pape, dit-elle, approuve ce qu'elle fait.

Dans le dernier numéro du supplément féminin, cette femme qui n'a pas honte d'être décrite comme "féministe", a enquêté sur "la voix des femmes" qui permettent de comprendre Dieu, un thème pas forcément du goût de tous dans une Eglise dominée par les hommes.

Selon Lucetta Scaraffia, "une grande liberté de dire ce que l'on pense" prévaut. Avec une réserve: la sécurité des chrétiens. Par exemple, quand il s'agit du viol des femmes en Inde, "nous aurions aimé faire beaucoup, mais il fallait faire moins. Parler beaucoup de ces catholiques peut avoir des conséquences pour eux".

Pessimiste, le regard de l'Eglise sur le monde? "Plus que pessimiste, critique". L'Eglise, assure-t-elle, est "l'unique institution à regarder la culture contemporaine d'un point de vue différent".


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