L'aide massive aux Palestiniens bute sur le blocage du processus politique

Le Monde/Gilles Paris

Il y a un an, lors d'une conférence internationale organisée à Paris, le 17 décembre, l'Autorité palestinienne avait littéralement croulé sous des promesses de dons supérieurs à 7 milliards de dollars.

Ils étaient destinés à financer un ambitieux programme de réformes chiffré par le premier ministre palestinien, Salam Fayyad, à 5,6 milliards sur trois ans, dans la foulée du processus israélo-palestinien d'Annapolis (Etats-Unis) qui s'était fixé comme objectif la conclusion d'un accord de paix avant la fin de l'année 2008.

Douze mois plus tard, le bilan de cette conférence surprend presque le diplomate Pierre Duquesne, chargé de sa supervision. "Un cercle vertueux semble s'être mis en place", assure-t-il. Non seulement les donateurs ont globalement tenu leurs promesses, mais les Palestiniens ont également atteint une partie des objectifs qu'ils s'étaient fixés.

Pour l'année 2008, une somme record de 3 milliards de dollars (près de 2 milliards d'euros) est en passe d'être atteinte pour ces territoires qui comptent déjà parmi les plus aidés au monde. L'aide budgétaire (1,7 milliard) a permis à une Autorité privée de ressources fiscales, du fait du marasme provoqué par la politique très stricte de bouclage des territoires palestiniens par Israël, de verser les salaires, en Cisjordanie comme partiellement à Gaza, contrôlé par les islamistes du Hamas et placé sous un très sévère régime d'embargo.

L'Autorité palestinienne a pu également régler ses dettes vis-à-vis des compagnies israéliennes d'eau et d'électricité, des banques palestiniennes ponctionnées pendant cette période, comme des fonctionnaires, payés de manière intermittente.

En échange de cette aide, le premier ministre palestinien, ancien fonctionnaire du Fonds monétaire international, est parvenu à réduire de 40 000 le nombre total de fonctionnaires palestiniens (services de sécurité compris), à initier des dizaines de microprojets tout en garantissant le bon usage, "l'intégrité", de ces fonds par une Autorité longtemps caractérisée par la corruption et l'inefficacité. A ce soutien budgétaire direct se sont ajoutées une aide humanitaire d'environ 700 000 millions de dollars et une somme équivalente pour des projets dont le plus emblématique est peut-être la station d'épuration de Beit Lahiya, au nord de Gaza, frappé par le blocus.

Les autorités israéliennes ont, elles aussi, fait des gestes en faveur de l'Autorité palestinienne comme le paiement d'intérêts pour les périodes de la deuxième Intifada pendant lesquelles elles avaient gelé des taxes dues aux Palestiniens (ces derniers ne disposent ni de ports ni d'aéroports pour leurs importations qui transitent obligatoirement par Israël), mais ces gestes sont restés très isolés.

Les autorités israéliennes n'auraient ainsi que très partiellement rempli les engagements contractés en mai auprès de Tony Blair, l'émissaire du Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations unies) dans la région. L'organisation non gouvernementale Oxfam regrette d'ailleurs que "le changement radical sur le terrain" promis lors de la conférence de Paris par le président de la République française, Nicolas Sarkozy, ne se soit pas concrétisé.

L'étranglement de Gaza, fragilisé par la fermeture définitive du marché du travail en Israël et par la quasi-impossibilité d'importer comme d'exporter des marchandises, a produit pour 2008 une récession de 2 % qui concerne un tiers de la population totale palestinienne, et parachève la destruction du tissu économique, sans que par ailleurs le Hamas n'en paraisse pour autant affaibli.

La crispation sécuritaire israélienne s'est même étendue, pour l'étroite bande de terre, à son approvisionnement en billets de banque, au point de susciter l'agacement du Fonds monétaire international comme de la Banque mondiale.

Le paradoxe est que le découplage de cette aide internationale des négociations politiques, même si les dons ont pour double objectif de conforter l'Autorité palestinienne face au Hamas, tout en préparant les bases d'un éventuel Etat palestinien, aboutit pour l'heure à ce que prône le chef du Likoud, Benyamin Nétanyahou, dont le parti est donné favori pour les élections législatives du 10 février 2009.

Hostile en 2007 au processus d'Annapolis, l'ancien premier ministre plaide en effet en faveur d'une "paix économique" (limitée à la Cisjordanie), qui permettrait, selon lui, de repousser à une date ultérieure des discussions sur les principaux points de contentieux politiques que sont Jérusalem, les frontières ou la question des réfugiés.


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