L'art, le design et l'architecture au Japon, une recherche commune de la perfection

Le Monde/Frédéric Edelmann

L'année 2008, à Paris, a été japonaise, histoire de fêter le 150e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon, établies par la signature à Edo (Tokyo) du "traité de paix, d'amitié et de commerce" le 9 octobre 1858.

L'art, le design et l'architecture au Japon, une recherche commune de la perfection
Ces relations s'inscrivent dans l'histoire des tristement célèbres "traités inégaux" imposés au Japon, mais aussi à la Chine et à la Corée, par les puissances occidentales après les guerres de l'opium. C'était une méchante affaire de commerce, mais la culture fut aussi du voyage, et c'est cet aspect qui a occupé les esprits parisiens, dès l'automne, avec les expositions consacrées au Japon par les Musées Guimet et Cernuschi, par le Petit Palais, le Quai Branly...

Recherche d e la perfection

Le Musée Guimet a accueilli cet automne une vision en deux dimensions du temple Konpira San, le sanctuaire de la mer, dont les peintures ont été délicatement extraites de l'exceptionnel ensemble architectural, sur l'île de Shikoku, au sud de l'Archipel, où l'on compte 88 temples (Le Monde 2 du 8 novembre). Le somptueux catalogue édité par Guimet permet de conserver la splendeur de peintures - tigres, sages, paysages - qui ne reviendront pas de sitôt.

L'architecture, la peinture, les rouleaux calligraphiés, les sculptures, les objets rituels et même quotidiens sont pratiquement indissociables au Japon. Ils sont réunis par une commune recherche de la perfection. L'exposition en cours au Musée du quai Branly (jusqu'au 11 janvier 2009), consacrée à l'esprit mingei, en tient compte. Dépouillée, riche de sens et d'histoire bien comprise, sans esbroufe, elle rassemble un bric-à-brac céleste, bols, kimonos, tabourets, plats ou dessins.

Contraction de minshû ("peuple") et kogei ("artisanat"), mingei désigne un art populaire dont l'importance a été mise en valeur en 1825 par Yanagi Soetsu (1889-1961), philosophe et critique d'art. Yanagi Soetsu transforma son intuition en mouvement artistique avec Hamada Shoji (1894-1978) et Kawai Kanjiro (1890-1966), tous deux potiers, dans les années 1920. Des architectes occidentaux en feront leur beurre, tels l'Allemand Bruno Taut (1880-1938) ou la Française Charlotte Perriand (1903-1999). Des Japonais, aussi, comme Sori Yanagi, qui fut l'assistant de la designer française lors de son séjour au Japon de 1940 à 1942, et créateur du fameux "tabouret butterfly".

Pour ceux que l'architecture intéresse, Jean-Sébastien Cluzel a parcouru l'archipel nippon à la recherche de ses chefs-d'oeuvre, pour en tirer aux éditions Faton près de 500 pages, Architecture éternelle du Japon, de l'histoire aux mythes. Cluzel ne se complaît pas dans les masures. Ce sont les monuments et leur infinie variété qui le fascinent, venus de Chine pour le dessin des structures, mais délivrés d'une bonne part des contraintes formelles du Yinzao Fashi, livre canon et plutôt despotique du XIe siècle chinois. La vision de Cluzel dépasse souvent les clichés ressassés par l'histoire. Cela peut nous autoriser quelque désaccord sur le plaisir que les Japonais auraient à détruire et reconstruire des bâtiments que le feu ou les guerres se chargent d'attaquer.

--------------------------------------------------------------------------------

L'esprit mingei au Japon. De l'artisanat populaire au design.
Musée du quai Branly, 37, quai Branly, Paris-15e. M° Alma-Marceau. Tél. : 01-56-61-70-00. Mardi, mercredi et dimanche de 11 heures à 19 heures, jeudi, vendredi et samedi de 11 heures à 21 heures. Jusqu'au 11 janvier 2009. De 5 € à 7 €.

Catalogue sous la direction de Germain Viatte, éd. Actes Sud, 144 p., 25 €.
Livres : Architecture éternelle du Japon, de l'histoire aux mythes, par Jean-Sébastien Cluzel, éd. Faton 476 p., 148 €. Konpira-San, sanctuaire de la mer. Trésors de la peinture japonaise, catalogue de l'exposition du Musée Guimet, 396 p., 32 €.


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :