L'oeil de Laurent Fabius sur douze tableaux qui ont "fait la France"
AFP
Paris - "La Forge" de Le Nain, "Le déjeuner des canotiers" de Renoir mais aussi un Soulages et une vignette de Tintin: le temps d'un livre, Laurent Fabius se transforme en historien de l'art, commentant douze oeuvres qui contribuent, à ses yeux, à "faire la France".

Laurent fabius
"Il n'est pas évident, quand vous êtes connu dans un domaine, de publier un livre dans une autre spécialité. En art je suis un autodictacte", déclare l'ancien Premier ministre, normalien et énarque.
Petit-fils, fils, neveu et frère d'antiquaires, Laurent Fabius a certes baigné dans l'art dès son enfance. Dans les années 30, son père André Fabius achète dans une vente ordinaire une "Madeleine" méditant. Le tableau se révèlera de Georges de La Tour, le maître lorrain du XVIIè, et il restera dans la famille jusqu'au milieu des années 60.
"Mon père nous emmenait toutes les semaines au musée quand nous étions très jeunes. D'une façon paradoxale, cela a d'abord produit chez moi un rejet des oeuvres d'art. A l'adolescence, sans mauvais jeu de mots, je ne pouvais plus voir un tableau en peinture", raconte l'ancien président de l'Assemblée nationale.
"Puis, peu à peu, je suis revenu vers la peinture, la sculpture et l'art en général. Ils font désormais partie de ma vie", explique M. Fabius. En outre, depuis deux ans, il possède des parts dans la maison d'enchères Piasa.
"Mon livre est une rencontre entre deux approches : la description d'une sorte de musée imaginaire personnel et, d'autre part, l'analyse de tableaux qui ont +fait la France+ depuis le XVIIème siècle", explique-t-il.
"Un pays ne se caractérise pas seulement par ses chefs d'Etat, ses écrivains, ses industries, ses paysages, mais aussi par ses peintres. Un pays se révèle et est regardé à travers leurs oeuvres", estime-t-il.
Laurent Fabius a composé un parcours thématique de douze oeuvres-phare, accompagnées de plusieurs dizaines d'autres peintures. Il évoque le peuple, avec les frères Le Nain, l'impertinence avec le "Portrait de Voltaire" par Quentin de La Tour, le pouvoir avec le "Napoléon 1er empereur" d'Ingres, raté parce qu'involontairement caricatural. La "France des villes" est peinte notamment par Caillebotte, la guerre par Picasso avec "Femme se coiffant" (juin 1940).
Le dessinateur belge Hergé a lui aussi été retenu car "le reste du monde voit dans Tintin la représentation même de la France", selon M. Fabius.
La période préférée du responsable socialiste ? Le XIXème siècle car "c'est un temps de bouleversements - et souvent de progrès - sur tous les plans". "En même temps, je suis curieux intellectuellement. J'aime tirer le fil de périodes ou d'artistes que je connais moins", dit-il.
"J'apprécie beaucoup l'art contemporain. Mais il existe aussi certaines créations qui relèvent de ce que j'appelle l'ESS, l'école snobo-spéculative, qui semble nourrir plus de rapports avec la spéculation qu'avec l'art", considère-t-il.
Laurent Fabius confie être "préoccupé" par une certaine baisse du "rayonnement français" dans le domaine de la peinture contemporaine.
Il termine l'entretien en montrant quelques "petites choses" qui décorent son bureau de député. Un portrait au fusain par le dessinateur Steinlein (1859-1923), acquis pour "quelques dizaines d'euros, et qui me rappelait une ancienne petite amie". Et une "trogne saisissante" peinte par Louis Anquetin (1861-1932).