La France "vigilante" sur ses ventes d'armes à Ryad

Reuters

Paris - La France est vigilante sur ses livraisons et ventes d‘armes à l‘Arabie saoudite de crainte que ces armements ne soient utilisés dans le conflit au Yémen, mais elle n‘envisage pas pour l‘heure de suspendre ces transferts, ont déclaré vendredi à Reuters des sources au fait du dossier.

L‘Arabie saoudite - qui a scellé avec la France pour plusieurs milliards d‘euros de contrats, particulièrement sous le quinquennat de François Hollande - est engagée depuis mars 2015 au Yémen dans une guerre contre les rebelles houthis appuyés par l‘Iran chiite, à la tête d‘une coalition militaire de pays arabes sunnites soutenue par les Etats-Unis.

Le conflit a fait plus de 10.000 morts et l‘Onu accuse l‘ensemble des belligérants de violer les lois de la guerre en visant les populations et infrastructures civiles, comme les hôpitaux et les écoles.

Amnesty International avait lancé dès 2015 une pétition appelant la France, mais aussi les Etats-Unis et le Royaume-Uni, à “cesser les transferts d‘armes à la coalition militaire menée par l‘Arabie saoudite au Yémen.”

L‘organisation ajoute que la France n‘a pas indiqué en 2016 et 2017 avoir “refusé, révoqué ou suspendu des autorisations d’exportation” à Ryad.

Les Emirats arabes unis, où le Premier ministre Edouard Philippe est attendu samedi pour une visite de deux jours, sont également membres de la coalition militaire.

“Il y a une volonté de montrer que la France fait quelque chose. On nous dit que des livraisons ont été suspendues, mais nous n‘en avons pas la preuve officielle”, a dit à Reuters l‘une des sources proche du dossier.

Deux autres sources ont fait écho à ces propos. On ignore si les Emirats arabes unis seraient aussi concernés.

La Norvège a déjà suspendu ses ventes d‘armes aux Emirats arabes unis, et l‘Allemagne s‘est engagée à ne pas fournir d‘armes aux belligérants impliqués au Yémen, aux termes de l‘accord de coalition conclu à Berlin entre les conservateurs (CDU-CSU) et les sociaux-démocrates (SPD).

CRITÈRES D‘EXPORTATION STRICTS

Le ministère français des Affaires étrangères s‘est refusé à tout commentaire, mais une source diplomatique a déclaré à Reuters que la France appliquait “une politique de contrôle des exportations reposant sur une analyse au cas par cas dans le cadre de la Commission interministérielle pour l’exportation de matériels de guerre (CIEEMG).”

Dans ses avis, cette commission, composée des ministères des Affaires étrangères, des Armées et de l‘Economie, tient compte “de la nature des matériels, de l’utilisateur final, des questions de respect des droits de l’Homme, de la stabilité régionale et de la nécessité de soutenir la lutte contre le terrorisme”, rappelle-t-on. Il incombe ensuite au Premier ministre de prendre les décisions.

“La délivrance des autorisations se fait dans le strict respect des obligations internationales de la France, notamment les dispositions du Traité sur le commerce des armes et la position commune européenne (de 2008-NDLR). Bien entendu, tout ce qui peut porter atteinte à la sécurité des civils, fait partie des critères qui nous conduisent à autoriser ou ne pas autoriser ces exportations”, souligne-t-on de même source.

Selon des membres de la précédente administration et des diplomates, Jean-Marc Ayrault, qui fut chef de la diplomatie de février 2016 à 2017, avait alerté Matignon, dans une lettre, sur les ventes d‘armes aux pays engagés dans le conflit yéménite.

La ministre des Armées, Florence Parly, a déclaré vendredi que la France n’était pas maîtresse de l‘usage d‘armes qui “n’étaient pas censées être utilisées”.

“Qui pouvait imaginer la survenance de ce conflit au Yémen?”, a-t-elle plaidé sur France Inter.


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