La Syrie suspendue d'une organisation islamique mais la répression se poursuit
AFP
Damas - Les pays musulmans ont suspendu la Syrie de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) afin d'isoler symboliquement le régime de Bachar al-Assad et de dénoncer la répression sanglante contre la rébellion.
A New York, le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit jeudi pour mettre fin formellement à la mission de ses observateurs en Syrie, dont le mandat expire dimanche. Selon des diplomates, la division des grandes puissances empêche toute prolongation.
Face au refus de la Chine et de la Russie de toute condamnation de Damas, les 15 membres du Conseil se mettront d'accord pour conserver un bureau de liaison politique à Damas pour soutenir le futur médiateur international qui doit prendre la suite de Kofi Annan.
En visite à Pékin, Bouthaïna Chaabane, émissaire spéciale de M. Assad, a salué l'attitude des deux alliés de Damas, estimant que contrairement aux Occidentaux, ils ne se comportaient pas en "colons" vis-à-vis de la Syrie.
A La Mecque (Arabie saoudite), les dirigeants du monde musulman sont tombés d'accord sur "la nécessité mettre fin immédiatement aux actes de violences en Syrie et de suspendre ce pays de l'OCI", selon le communiqué final publié dans la nuit de mercredi à jeudi.
L'Iran, un solide allié de Damas, a été le seul des 57 membres de l'OCI, qui représentent un milliard et demi de musulmans à travers le monde, à refuser cette suspension que ses dirigeants ont qualifiée d'"injuste".
La décision a été saluée par une partie de la communauté internationale, à l'image des Etats-Unis, qui ont y vu le signe "de l'isolation croissante du régime Assad et de l'étendue du soutien au peuple syrien et à sa lutte pour un Etat démocratique".
Dans ce contexte, cinq monarchies arabes du Golfe, Arabie saoudite en tête, ont appelé leurs ressortissants à quitter le Liban en raison de menaces potentielles liées aux retombées du conflit syrien.
Dans ce petit pays où l'équilibre confessionnel reste fragile, des hommes armés et des proches de chiites libanais enlevés en Syrie ont kidnappé des dizaines de Syriens et vandalisés leurs biens mercredi, tandis que des manifestants chiites ont bloqué la route de l'aéroport de Beyrouth en brûlant des pneus.
Vent de panique
En Syrie, les violences n'ont pas faibli, faisant jeudi 34 morts au lendemain d'une journée sanglante avec au moins 172 morts --122 civils, 18 rebelles et 32 soldats-- selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Outre les combats à Alep ainsi qu'un attentat revendiqué par les rebelles dans des bâtiments de l'état-major à Damas, les scènes les plus dures se sont déroulées à Azaz, une ville rebelle de 70.000 habitants à quelques kilomètres de la frontière turque, touchée par un raid aérien mercredi en début d'après-midi.
Les frappes ont rasé une dizaine de maisons et soufflé les vitres de nombreuses habitations, selon un journaliste de l'AFP qui a vu les corps sans vie de plusieurs très jeunes enfants.
Mercredi soir, l'OSDH a évoqué un bilan d'au moins 31 morts et plus de 200 blessés, tout en prévenant que de nombreuses victimes étaient encore sous les décombres.
Jeudi matin, une source officielle turque a ajouté qu'une centaine de blessés dans ce raid étaient soignés à Kilis, ville voisine d'Azaz du côté turc de la frontière, et qu'une quinzaine d'entre eux avaient succombé à leurs blessures.
"J'ai enterré 12 membres de ma famille aujourd'hui, parmi lesquels mon père, ma mère, ma soeur et la femme de mon frère. Walid, mon frère, a été taillé en morceaux, au début nous ne l'avons pas reconnu. Nous avons enterré les enfants de mon frère aussi. Le plus jeune avait 40 jours", a déclaré un habitant d'Azaz cité par Human Rights Watch (HRW), qui a envoyé des enquêteurs sur place.
Le raid visait probablement deux bâtiments utilisés par l'Armée syrienne libre (ASL, rebelles), situés à proximité du quartier touché mais indemnes, selon HRW et l'OSDH.
Cette attaque de l'aviation a provoqué un vent de panique et des centaines de personnes, essentiellement des femmes et des enfants, se pressaient mercredi soir à la frontière turque, selon un journaliste de l'AFP.
La responsable de l'humanitaire à l'ONU, Valerie Amos, qui achevait une visite de deux jours à Damas, a de nouveau réclamé jeudi matin un meilleur accès humanitaire aux Syriens dans le besoin, estimés à plus de deux millions.
Les agences onusiennes en Syrie et leurs partenaires locaux ne peuvent pas gérer seuls la crise humanitaire, a-t-elle insisté, regrettant que Damas refuse l'accès à d'autres ONG officiellement pour éviter que l'aide ne parvienne "à des groupes armés ou terroristes".