AFP
Tunis - Les partis tunisiens se retrouvent vendredi pour des pourparlers à la veille de l'annonce prévue du nom du prochain Premier ministre qui succédera au pouvoir aux islamistes d'Ennahda usés par une profonde crise politique et les violences jihadistes.
Selon le syndicat UGTT, principal médiateur du "dialogue national", les chefs de partis doivent en fin de matinée reprendre leurs pourparlers pour s'accorder sur le nom du prochain chef de gouvernement, un indépendant qui aura deux semaines pour composer un cabinet apolitique.
"L'annonce est toujours prévue pour samedi", a appris l'AFP auprès du service de presse de l'organisation syndicale, en conformité avec le calendrier des négociations lancées il y a une semaine.
Selon les médias et responsables tunisiens, quatre personnalités sont en lice pour succéder à l'islamiste Ali Larayedh.
Deux d'entre eux, Mohamed Ennaceur, 79 ans, et Ahmed Mestiri, 88 ans, sont des vétérans de la vie politique ayant été ministres du père de l'indépendance Habib Bourguiba.
Les deux autres sont des économistes réputés, Mustapha Kamel Nabli, 65 ans, l'ex-gouverneur de la Banque centrale limogé sans ménagement à l'été 2012, et Jalloul Ayed, 62 ans, un homme d'affaires qui a été ministre des Finances en 2011 après la révolution ayant renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali.
Ali Larayedh s'est engagé à céder la tête du gouvernement et permettre la formation d'un cabinet apolitique pour sortir de la profonde crise politique déclenchée en juillet par l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance jihadiste.
Il a cependant conditionné son départ à l'application stricte du calendrier des négociations qui prévoit notamment la formation de la commission électorale en théorie d'ici samedi et le lancement de la procédure d'adoption de la Constitution, en cours de rédaction depuis deux ans.
Sa démission formelle ne doit d'ailleurs pas intervenir avant la mi-novembre.
Les chefs de partis réunis vendredi devront aussi prendre "un ensemble de décisions pour accélérer le processus d'adoption de la Constitution", selon l'UGTT.
Ces pourparlers, qui se sont déroulés jusqu'à présent sans accroc majeur, interviennent dans un contexte de tension extrême avec la multiplication des violences attribuées à la mouvance jihadiste.
Ainsi, pour la première fois depuis la révolution de janvier 2011, deux sites touristiques ont été visés mercredi par un attentat suicide, qui n'a pas fait de victime excepté le kamikaze, et une tentative qui a pu être déjouée à temps.
Or le secteur du tourisme (7% du PIB, 400.000 emplois) est stratégique pour la Tunisie qui peine à attirer les voyageurs depuis la révolution de 2011.
Le patronat tunisien, l'Utica s'est ainsi inquiété jeudi de l'"escalade du terrorisme qui s'attaque désormais à des secteurs stratégiques de l'économie en cette conjoncture économique difficile".
Par ailleurs, neuf gendarmes et policiers ont été tués au cours du seul mois d'octobre dans des heurts avec des groupes armés.
Si aucune revendication n'a été annoncée, le gouvernement a attribué les attaques au mouvement salafiste Ansar Ashariaa accusé d'entretenir des liens avec Al-Qaïda.
L'opposition n'a eu cesse d'accuser les islamistes d'Ennahda d'être responsables par leur laxisme de l'essor de ces violences.
L'instabilité politique et les heurts armés ont aussi miné l'économie tunisienne, anémique depuis la révolution. Les conflits sociaux se sont multipliés, alors que le chômage et la misère étaient au coeur des causes du soulèvement du 2011.
L'agence d'évaluation financière Fitch a d'ailleurs abaissé mercredi de deux crans la note de dette à long terme du pays à "BB-", contre "BB+" auparavant, du fait des incertitudes politiques, du report des élections et de la multiplication des attentats.