La classe moyenne au coeur des débats au Maroc

magharebia.com/Sarah Touahri

L'état de la classe moyenne fait actuellement l'objet d'un examen au Maroc, et les experts s'interrogent sur ses critères de définition, son importance en pourcentage de la population, et ses conditions de vie. Des chiffres controversés publiés lors d'une étude du Haut commissariat au Plan (HCP) ont alimenté les débats.

La classe moyenne au coeur des débats au Maroc
L'étude du HCP, publiée le 6 mai, montre que la classe moyenne marocaine représente 53 pour cent de la population, contre 34 pour cent pour les classes défavorisées et 13 pour cent pour les classes aisées. Près de 59 pour cent de la population urbaine appartient à cette classe moyenne, contre 45 pour cent dans les régions rurales.
Vingt-huit pour cent des ménages de la classe moyenne disposent d'un revenu supérieur à la moyenne nationale de 5 308 dirhams par mois, 42 pour cent appartiennent à la catégorie intermédiaire ayant des revenus compris entre la médiane et la moyenne nationale, et 30 pour cent se situent dans la catégorie inférieure, avec un revenu inférieur à la moyenne nationale de 3 500 dirhams, a expliqué le Haut commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi.
Ces chiffres ont suscité un débat très animé. De nombreuses personnes affirment en effet que dans le climat actuel marqué par l'érosion constante du pouvoir d'achat et les incidences de la crise économique internationale sur le marché du travail, le chiffre de 53 pour cent des Marocains appartenant à la classe moyenne est exagéré. D'autres estiment que la définition de classe moyenne est incorrecte et devrait être revue pour donner une image plus claire de la situation.
"Le coût de la vie a tellement augmenté au cours des dix dernières années que la classe moyenne a été écrasée et qu'une grande partie commence à disparaître", explique l'économiste Jamil Mellakhi. "Il y a quelques années, un salarié qui touchait 3 000 dirhams pouvait faire vivre décemment sa famille ; ce n’est plus le cas aujourd’hui."
M. Mellakhi ajoute qu'un revenu de 3 500 à 5 000 dirhams par mois ne saurait être utilisé comme un critère de définition de la classe moyenne.
Un avis que partagent bon nombre de citoyens.
"Les enseignants, par exemple, appartenaient dans les années 1980 à la classe moyenne. Un instituteur pouvait, à lui seul, subvenir aux dépenses de sa famille et vivre convenablement", explique Souhaila Kawtari, elle-même enseignante. "Depuis quelques années, les choses ont changé. On ne peut pas dire maintenant que les enseignants appartiennent à la classe moyenne."
M. Lahlimi explique que la définition de classe moyenne utilisée au Maroc repose autant sur l’approche par auto-identification sociale des chefs de ménage que sur l’approche basée sur les critères objectifs de revenu et de niveau de vie.
Mais l'auto-évaluation a ses limites. Les résultats obtenus aux termes de cette approche sont clairement biaisés par des facteurs culturels : la valeur du juste milieu si caractéristique de la culture dominante incline aussi bien les riches que les pauvres à s’identifier à la moyenne, ajoute-t-il.
"C’est ainsi que parmi les 20 pour cent les plus riches, 75 pour cent se considèrent comme moyens, et parmi les 20 pour cent les plus pauvres, cette proportion est de 37 pour cent."
La sociologue Samira Brami partage cet avis. Les Marocains, explique-t-elle, de par leur éducation, sont habitués à l’esprit de résignation et de ce fait, même les pauvres considèrent qu’ils appartiennent à la classe moyenne. "De même, les modes de vie diffèrent selon les villes. Un habitant d’Oujda n’aura pas la même vie à Casablanca. D’autres critères entrent en jeux : loisirs, comparaisons, éducation, etc."
Le cabinet du Premier ministre a indiqué que le gouvernement travaille actuellement sur la manière d'apporter un soutien à la classe moyenne, en contrôlant les dépenses (logement, santé, produits de grande consommation), en encourageant l'emploi pour augmenter le nombre de salariés au sein des familles, en soutenant les petites et moyennes entreprises, et en améliorant les politiques de transport public et de développement rural.


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