La crise politique s'aggrave en Mauritanie

magharebia.com/Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud

La crise politique en Mauritanie s'est encore aggravée cette semaine, après les déclarations du ministre français des Affaires Etrangères Bernard Kouchner. Lors d'un entretien accordé à Jeune Afrique le 20 mars, M.Kouchner a déclaré que le général Mohamed Ould Abdel Aziz, président du Haut Conseil d'Etat, "devra quitter l'uniforme au moins 45 jours avant la date de l'élection présidentielle prévue pour le 6 juin 2009".

Certains considèrent que ce commentaire de M. Kouchner légitimise les élections, qui seront boycottées par l'opposition et par le Président déchu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi.
"Je ne pense pas que ces déclarations reflètent la position officielle de la France, et je ne souhaite donc pas les commenter", a déclaré Ahmed Ould Sambe, le porte-parole officiel du Président déchu, à Magharebia.
"Notre position s'intéresse à l'initiative lancée il y a quelque temps par [Abdellahi], qui appelle à d'abord mettre en échec le coup d'Etat", a-t-il poursuivi. "Les partis politiques pourront alors se réunir et décider de l'avenir du pays. Cela mettra un terme aux coups d'Etat et instaurera le processus démocratique."
La situation est très délicate, selon l'analyste politique et ancien ambassadeur Mohamed Lemeine Ould Kettab. "La crise politique est trop complexe pour pouvoir prédire ce qui arrivera. Toutes les parties campent sur leurs positions, et rejettent tout compromis", a-t-il expliqué.
"Je pense que des instances internationales comme l'Union Européenne tenteront d'influencer les positions des parties, de les amener à faire des concessions, et à comprendre que cela permettra de résoudre la crise", a-t-il ajouté.
Les Mauritaniens suivent les développements de cette crise par le biais de la presse écrite et d'lnternet.
"La télévision et la radio nationales sont monopolisées par l'Etat, et ne reflètent donc que l'opinion des dirigeants militaires", explique Mohamed Ahmed, un commerçant. "Je préfère donc surfer sur le web et lire chaque jour les journaux pour connaître les différentes positions, pas seulement une."
Et d'ajouter : "Ceux qui s'opposent aux autorités au pouvoir ont des moyens limités ; ils ne possèdent aucune chaîne de télévision ni aucune station de radio. C'est la raison pour laquelle ils font appel aux médias étrangers et à la presse pour faire passer leurs idées et leurs opinions."
"Le ministre de l'Information a déclaré récemment que le gouvernement ouvrirait la télévision et la radio nationales à toutes les parties", explique le politologue Bounene Ould Sidi. "Mais rien n'a été fait à ce jour, et aucun signe ne laisse à penser que cela se fera dans un futur proche."
Pour sa part, le général Ould Abdel Aziz se rend dans les provinces du nord et de l'est du pays pour y expliquer les principes et les objectifs de son mouvement militaire et critiquer ses adversaires.
"Cette initiative a été prise pour mettre un terme à la corruption et arrêter les corrupteurs, et mettre en place une nouvelle dynamique dans laquelle les gens se gouverneront eux-mêmes et pour eux-mêmes, et éliront dans la plus grande transparence ceux qu'ils choisiront pour conduire leurs affaires", a-t-il déclaré hier dans une ville de l'est du pays. "Je conseille à chacun d'aller voter lors des prochaines élections présidentielles."
Le président du Front National pour la Défense de la Démocratie, Beijel Ould Hemeid, a déclaré il y a deux jours à la presse que le général Ould Abdel Aziz avait lancé "une campagne électorale précoce dans les provinces de l'intérieur en utilisant l'argent public."
Mardi 24 mars, Ahmed Ould Daddah, le secrétaire général du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), dans l'opposition, a annoncé qu'il ne se présenterait pas aux prochaines électiions.
"La nomination du général Ould Abdel Aziz pour les prochaines élections présidentielles est interdite aux termes de la législation mauritanienne et internationale."
Il a ajouté que la Charte africaine interdit à quiconque ayant participé à un coup d'Etat contre l'ordre constitutionnel de participer à un gouvernement issu de ce coup d'Etat.
"Cet article a été ratifié par les deux chambres du parlement mauritanien et signé par le Président le 29 avril 2008."
Le conseil Paix et Sécurité de l'Union Africaine s'est réuni mardi 24 mars à Addis Ababa, et a choisi de maintenir les sanctions à l'encontre du régime mauritanien.
La plupart des Mauritaniens ont été surpris de cette décision, car ils pensaient que l'UA accepterait le fait accompli.
"Franchement, nous ne nous attendions pas à entendre une telle décision venant d'Addis Ababa de la part de l'Union Africaine ; en particulier du fait que le leader Moammar Kadhafi... a apporté son soutien au Haut Conseil d'Etat", a déclaré Al-Mahd Ould Aal, un agent de change. "Elle fait aujourd'hui preuve d'une attitude forte."
Al-Dah Ould Al-Mami, un enseignant, se fait l'écho du même sentiment, ajoutant : "Cela signifie avant tout que l'Union Africaine ne fait pas confiance à sa propre direction. Cela signifie aussi que la décision de Kadhafi n'est rien de plus que son opinion personnelle."


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