La "gauche de la gauche" part en ordre dispersé aux élections européennes
Le Monde.fr/Sylvia Zappi
Le Zénith de Paris était plein et résonnait des accents de la campagne du non au référendum, dimanche 8 mars. Plus de 5 000 personnes s'étaient déplacées pour voir le lancement de la campagne du Front de gauche, emmené par Marie-George Buffet et Jean-Luc Mélenchon.
Le fondateur du Parti de gauche a, lui, appelé à une "insurrection civique" comme en 2005, lors du référendum contre la constitution européenne. "Nous allons faire du scrutin du 7 juin un double référendum contre le traité de Lisbonne et contre la politique libérale de Sarkozy. Le peuple va parler", a ajouté M. Mélenchon.
Après les interventions de Didier Le Reste, secrétaire général de la CGT cheminots, du réalisateur Robert Guédiguian ou encore de l'écrivain Gérard Mordillat, c'est Christian Picquet, chef de file de la minorité du Nouveau parti anticapitaliste, qui s'est taillé le plus grand succès. Expliquant qu'un collectif de militants du NPA s'engageait dans le Front de gauche malgré la décision de leur parti de refuser l'alliance, il a dénoncé : "En claquant la porte à l'unité par un empilement de faux prétextes, le NPA prend une responsabilité historique et se comporte comme une boutique qui fait prévaloir ses propres intérêts par rapport à l'intérêt général du peuple de gauche."
La concurrence sera rude
Voilà des mois qu'Olivier Besancenot ne cache pas ses réticences à s'allier avec le PCF et le Parti de gauche. Quelques heures avant le meeting du Zénith, le conseil politique national du NPA a décidé de clore les discussions en prenant "acte du désaccord" avec le "Front de gauche" et de présenter ses propres listes pour une "alternative anticapitaliste au niveau européen".
Les amis de M. Besancenot refusent toute alliance qui ne serait pas "durable pour la séquence électorale à venir, européennes et régionales (et même au-delà), en toute indépendance du PS". "Se rassembler simplement sur la base du rejet des traités européens est en deçà des exigences radicales", a annoncé le NPA, persuadé de rafler la mise à l'extrême gauche.
M. Besancenot, qui ne souhaite pas être candidat, présentera les listes du NPA lundi. Les animateurs du Front de gauche veulent défendre une campagne citoyenne, à l'image de ce que le non de gauche avait réussi en 2005. Ils ne désespèrent pas d'élargir leur front et tentent de rallier la petite formation des Alternatifs, déjà courtisés par le NPA. La réponse ne viendra que le 22 mars, à la suite d'une consultation des militants.
La concurrence à l'extrême gauche sera rude. Les intentions de vote cumulées pour Lutte ouvrière, le Front de gauche ou le NPA telles qu'elles sont aujourd'hui déclarées atteindraient 16 %, selon un sondage IFOP publié dans Paris Match du 17 février. Selon cette enquête réalisée les 12 et 13 février auprès d'un échantillon représentatif de 952 personnes, ce sont les listes du NPA qui en prendraient la tête avec 9 %, contre 4 % au Front de gauche.
Reste Lutte ouvrière, qui a ouvert le feu en présentant ses têtes de liste dès le 16 février. Nathalie Arthaud, sa nouvelle porte-parole, tenait son premier des dix-sept meetings prévus, vendredi 6 mars, à la Mutualité à Paris pour "dénoncer la responsabilité du grand patronat et des grandes banques dans la crise économique qui touche les travailleurs". LO entend, en partant en solo, "faire entendre la voix communiste révolutionnaire". Sans grand espoir d'obtenir des élus, avec les 3 % dont ces listes sont créditées aujourd'hui.
L'éclatement semble durable. Et après l'échec d'une candidature antilibérale à l'élection présidentielle, le risque est grand, comme le regrette M. Picquet, d'avoir une "gauche de gauche éparpillée, en miettes, où chacun se disputera la première place d'un espace occupé par des nains politiques".