La place Tahrir s'embrase malgré la démission du gouvernement
AFP
L'Egypte se préparait mardi à une nouvelle manifestation place Tahrir au Caire pour réclamer le départ du pouvoir militaire qui a appelé au dialogue après des affrontements meurtriers entre police et manifestants et la présentation par le gouvernement de sa démission.
Pour la première fois depuis le début des violences samedi, le CSFA a reconnu que le pays était en "crise", appelant "en urgence" les forces politiques à un dialogue "pour examiner les moyens d'en sortir le plus rapidement possible".
Lundi soir, le gouvernement d'Essam Charaf, nommé en mars par le CSFA pour gérer les affaires courantes, a présenté sa démission "au vu des circonstances difficiles que traverse actuellement le pays", mais le conseil militaire n'a pas encore dit s'il l'acceptait ou non.
Avec cette démission, l'Egypte est entrée dans sa plus grave crise depuis la chute de l'ex-président, à une semaine des premières élections législatives de l'ère post-Moubarak, chassé par un soulèvement populaire le 11 février.
Les heurts font craindre que le scrutin, qui doit débuter le 28 novembre et se dérouler sur plusieurs mois, ne soit émaillé de violences.
Selon le ministère de la Santé, 24 personnes --23 au Caire, une à Alexandrie (nord)-- ont été tuées et 1.900 blessées depuis samedi, notamment sur la place Tahrir au Caire, épicentre du soulèvement du début de l'année.
Dans la nuit de lundi à mardi, deux personnes ont été tuées à Ismaïliya, selon des sources médicales dans cette ville sur la mer Rouge, portant à 26 le bilan des décès.
"Personne ne peut nier aujourd'hui que l'Egypte se trouve aujourd'hui face à un grand danger et devant un tournant", écrit mardi le quotidien gouvernemental Al-Goumhouriya.
"Qui éteindra le feu?", s'inquiète en une Al Wafd (libéral), qui relève: "les troubles sont dus au fait qu'il n'y a pas eu de gouvernement de révolutionnaires (...) la foule est donc descendue dans la rue pour faire valoir ses revendications".
Les militants semblent en effet déterminés à manifester jusqu'au bout pour pousser le CSFA à remettre le pouvoir à une autorité civile.
Lundi soir, sur la place Tahrir, les dizaines de milliers de manifestants scandaient toujours "Le peuple veut la chute du maréchal" Hussein Tantaoui, à la tête du conseil militaire et premier dirigeant de facto de l'Egypte.
"C'est bien. Maintenant c'est le CSFA qui doit démissionner et répondre de ses actes devant nous", a réagi Tarek Sabri, un enseignant de 35 ans.
"Nous avons besoin d'un gouvernement qui a de véritables pouvoirs. Aucun gouvernement sous l'égide du CSFA n'a de valeur", a renchéri Mohammed al-Hita, militant de 24 ans.
Le CSFA a en outre annoncé avoir chargé le ministère de la Justice de mettre en place un comité chargé de faire la lumière sur les violences.
Le conseil militaire est accusé de vouloir se maintenir au pouvoir, de ne pas tenir ses promesses de réformes et de poursuivre la politique de répression de l'ère Moubarak.
Selon Amnesty international, le CSFA "a étouffé la révolution" et certaines violations des droits de l'Homme commises depuis qu'il est au pouvoir sont pires que sous le régime Moubarak.
La manifestation de mardi est prévue à 16H00 (14H00 GMT) sur Tahrir pour réclamer la fin du pouvoir militaire et la formation d'un "gouvernement de salut national".
L'armée s'était engagée à rendre le pouvoir aux civils après une élection présidentielle qui doit suivre les législatives mais dont la date n'est toujours pas connue.
Dans la nuit de lundi à mardi, de violents affrontements se sont poursuivis dans des rues adjacentes à Tahrir menant au ministère de l'Intérieur, cible privilégiée des manifestants et sous forte garde des forces anti-émeutes.
Le ministère de l'Intérieur a accusé dans un communiqué les manifestants d'avoir lancé des cocktails molotov et tiré avec des fusils de chasse sur les forces de l'ordre, en blessant 112. Le communiqué fait état de "116 émeutiers arrêtés au Caire, 46 à Alexandrie et 29 à Suez".