La suppression de la carte scolaire renforcera les ghettos

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Avec la suppression totale de la carte scolaire annoncée pour 2010, en faveur de laquelle Nicolas Sarkozy s'est engagé dès sa campagne présidentielle, la mixité à l'école pourrait bientôt ne plus être qu'un fantasme républicain.

La suppression de la carte scolaire renforcera les ghettos
C'est l'avertissement que lancent les inspecteurs généraux de l'éducation nationale Jean-Pierre Obin et Christian Peyroux dans un rapport, que s'est procuré Le Monde, sur les premiers effets de l'assouplissement de la carte scolaire, interdit de publication depuis octobre 2007 par le ministère de Xavier Darcos. Le système qui, depuis 1963, fait dépendre le choix de l'école du lieu de domicile des familles, était critiqué pour sa rigidité. Sa suppression contient des dangers plus grands encore, selon les deux inspecteurs généraux.

Leur état des lieux, intitulé "Les nouvelles dispositions de la carte scolaire", établi entre juin et septembre 2007 et qui a porté sur 34 départements "pour la plupart à dominante urbaine", dresse le constat inquiétant d'une accentuation de la baisse de mixité scolaire. Il souligne aussi un renforcement des logiques de concentration ethnique.

Trois semaines avant la fin de l'année scolaire 2006-2007, le chantier des inscriptions a été rouvert par le président Sarkozy. Sept critères donnant droit à une dérogation ont été introduits. Sont devenus prioritaires les élèves souffrant d'un handicap, les boursiers au mérite et sur critères sociaux, et ceux nécessitant une prise en charge médicale.


La rapidité de mise en oeuvre des réformes explique "certaines insuffisances", reconnaît le rapport. Elle rend difficiles "les extrapolations pour les années 2008 et 2009". Mais cette première étape demeure "riche d'enseignements", indique le document.

Pour MM. Obin et Peyroux, le principal effet de l'assouplissement de la carte scolaire a été de dégrader davantage la mixité scolaire, "accélérant les processus sociaux déjà à l'oeuvre depuis des années". Les établissements déjà délaissés sont les plus touchés par cette érosion. Même si seulement 13 500 demandes supplémentaires de dérogation ont été enregistrées, les effets sont sensibles.


"Dans la plupart des départements visités, la question de la survie de certains collèges est ouvertement posée, indique le rapport. C'est aux deux extrémités de la hiérarchie des établissements que la mixité sociale est mise le plus rudement à l'épreuve : dans les établissements les plus convoités, il y a peu d'élèves de condition modeste ; dans les collèges les plus évités, ce sont les catégories favorisées qui ont disparu."

La création d'options ou de filières d'excellence dans les quartiers sensibles, ou les labels ZEP et "ambition réussite", n'y changent rien : "Non pas qu'il faille se contenter d'une offre médiocre dans ces collèges (...), mais jamais ces initiatives ne permettent de faire revenir les populations des classes moyennes qui ont déserté un établissement."

Pour les inspecteurs généraux, concilier une plus grande liberté des familles et une plus grande mixité des établissements est néanmoins "possible". Mais la voie est "étroite", préviennent-ils, et ne pourra être suivie qu'à certaines conditions. Pour l'avenir, MM. Obin et Peyroux suggèrent donc quelques correctifs.

La principale clé repose sans doute sur la rectification du problème des élèves boursiers. Parmi les demandes de dérogations, ils apparaissent en effet "peu nombreux et mal traités", avec un taux de dérogation accordé "très variable selon les départements". En l'absence de directives ministérielles et pour des raisons techniques, peu d'inspections académiques ont décidé de modifier la gestion informatisée de leurs affectations, notamment à l'entrée en seconde.


"L'objectif d'amélioration de la diversité sociale n'a en général pas été l'objet d'une attention prioritaire", regrettent les inspecteurs généraux, et c'est toujours la logique des bonnes notes des élèves qui prime, et relègue en bons derniers les critères sociaux dans le traitement des dossiers. D'où l'impératif, selon eux, de consignes claires en la matière aux responsables académiques et aux chefs d'établissement.

Favorables à un système qui ne serait pas totalement dérégulé, Jean-Pierre Obin et Christian Peyroux affichent également leur attachement au maintien par les familles d'un "droit d'affectation dans l'établissement le plus proche du domicile" et à une régulation toujours "assurée par l'Etat" plutôt que par les chefs d'établissement ou les parents eux-mêmes. Ces pistes trouveraient un écho plutôt favorable au ministère de l'éducation nationale.


Pour motiver les collèges et lycées à rester dans une dynamique de mixité, ils suggèrent en outre l'introduction d'un "indicateur" de suivi de la mixité sociale, qui permettrait de récompenser les établissements les plus vertueux par une "dotation supplémentaire". La fermeture des établissements "ghettos", "si le quartier est dangereux et le collège déjà bien vide", à l'image de certains établissements déjà identifiés sur le pourtour méditerranéen ainsi qu'à Lyon ou à Grenoble, pourrait être par ailleurs une solution "positive".

Ainsi, face aux "inquiétudes manifestes" que suscite la suppression de la carte scolaire, il reste encore au gouvernement à offrir des réponses, estiment les rapporteurs. Et à ne pas perdre de vue un objectif : que "l'émulation entre établissements qui se profile à l'horizon de 2010 débouche sur une amélioration d'ensemble en termes de réussite scolaire, et non sur une concurrence stérile et coûteuse".


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