Le Premier ministre ukrainien, reçu par Obama, exhorte Poutine au dialogue

AFP

Kiev - Le président américain Barack Obama (gauche) et le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk à la Maison blanche à Washington le 12 mars 2014

A trois jours d'un référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie, le Premier ministre ukrainien, reçu avec les honneurs à la Maison Blanche, a exhorté le président russe au dialogue, avant un discours jeudi devant les Nations unies.

Le président des Etats-Unis Barack Obama a de son côté clairement affiché son soutien à l'Ukraine en recevant mercredi Arseni Iatseniouk à la Maison Blanche et en mettant en garde Vladimir Poutine.

Le dirigeant ukrainien s'est lancé dans un plaidoyer passionné à sa sortie de la Maison Blanche, face aux caméras. Reprenant les éléments d'un célèbre discours prononcé par Ronald Reagan à Berlin, en forme de supplique au dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, M. Iatseniouk a exhorté le président russe à "abattre ce mur, ce mur de guerre, ce mur d'intimidations et d'agression militaire. Parlons".

Il est attendu jeudi aux Nations unies à New York, où il prononcera un discours lors d'une séance publique du Conseil de sécurité à partir de 19H00 GMT, au lendemain de ses rencontres à Washington avec le président américain, la directrice général du Fonds monétaire international Christine Lagarde, et des élus du Congrès.

"Nous continuerons à dire au gouvernement russe que s'il poursuit sur le chemin actuel (...) nous serons obligés d'imposer un coût aux violations du droit international par la Russie en Ukraine", a déclaré M. Obama après avoir reçu M. Iatseniouk dans le Bureau ovale, honneur réservé aux chefs d'Etat et de gouvernement étrangers, alors que Moscou rejette la légitimité du gouvernement de Kiev.

- 'Nous nous battons pour notre liberté' -

"Nous nous battons pour notre liberté, pour notre indépendance, pour notre souveraineté. Et nous n'abandonnerons jamais", a de son côté affirmé M. Iatseniouk, qui s'exprimait en anglais, dans le Bureau ovale.

L'Ukraine "fait partie du monde occidental, et le restera", a-t-il assuré, alors que la crise actuelle a été déclenchée par le refus du président ukrainien déchu Viktor Ianoukovitch d'entériner un rapprochement avec l'Union européenne.

M. Iatseniouk a par ailleurs assuré que son pays resterait un "bon ami et partenaire de la Russie" même s'il établissait des liens plus forts avec l'Europe occidentale.

Mais, à trois jours de la consultation prévue dimanche sur l'avenir de la péninsule où vivent deux millions de personnes, dont des minorités tatare et ukrainophone, rien ne semblait en mesure d'enrayer son glissement dans le giron russe.

La Crimée est désormais quasiment coupée du reste de l'Ukraine, les forces russes en contrôlant les points stratégiques. Tout est en place pour une sécession rapide: le "Premier ministre", Serguiï Axionov, s'est autoproclamé "chef des armées" et les deux millions d'habitants de la Crimée, majoritairement russophones, n'ont désormais plus accès qu'aux chaînes de télévision russes. Des hommes en treillis fouillent tout voyageur arrivant à Simféropol en provenance du Nord et seuls les vols en provenance de Moscou peuvent y atterrir.

Les déclarations à l'AFP du président ukrainien par intérim, Olexandre Tourtchinov, semblent cependant confirmer que Kiev s'est résigné à abandonner la Crimée à la Russie et s'inquiète désormais d'une éventuelle intrusion par la frontière de l'Est, région où vivent de nombreux Ukrainiens d'origine russe.

"Nous ne pouvons pas nous engager dans une opération militaire en Crimée, ainsi nous dénuderions la frontière orientale et l'Ukraine ne serait pas protégée, les militaires russes comptent là-dessus", a déclaré à l'AFP M. Tourtchinov, chef des armées ukrainiennes.

"A la frontière orientale de l'Ukraine sont concentrées d'importantes unités de blindés", a-t-il ajouté.

A ce titre, la Russie a autorisé l'Ukraine à procéder à un vol d'observation au-dessus de son territoire pour s'assurer qu'aucune manoeuvre militaire des forces russes menaçant la sécurité de l'Ukraine n'avait lieu, a annoncé le vice-ministre russe de la Défense, cité par l'agence Itar-Tass.

- Sanctions européennes -

Entre Russes et Occidentaux, l'incompréhension reste totale, malgré plusieurs échanges ces dix derniers jours entre les chefs des diplomaties américaine, John Kerry, et russe, Sergueï Lavrov. Les deux hommes vont se rencontrer une nouvelle fois vendredi à Londres.

Un référendum en Crimée sur le rattachement à la Russie n'aurait "aucune valeur juridique", ont en outre averti mercredi les dirigeants des pays du G7, demandant à Moscou de cesser "immédiatement" de soutenir un tel processus qui n'aurait "aucune force morale".

Pour leur part, les Européens accélèrent le rapprochement avec l'Ukraine. La chancelière allemande Angela Merkel a annoncé que le volet politique de l'accord d'association avec l'Union européenne pourrait être signé au cours du prochain sommet de l'UE, prévu à Bruxelles les 20 et 21 mars.

Lors d'une conférence de presse à Varsovie, Mme Merkel et le Premier ministre polonais, Donald Tusk ont par ailleurs réaffirmé que l'UE était prête à passer lundi, à moins d'une "désescalade", à la "seconde étape des sanctions" contre des personnalités russes et ukrainiennes considérées comme responsables de la crise, et qui pourraient voir leurs avoirs gelés ou être interdits de visa.

Dans un entretien publié jeudi par le journal allemand Passauer Neue Presse (PNP), Mme Merkel a par ailleurs indiqué que l'Allemagne n'est pas dépendante des livraisons de gaz russe et ne s'attend pas à des problèmes d'approvisionnement.

Côté américain, les parlementaires négociaient toujours pour adopter l'aide économique promise aux autorités de Kiev sous la forme de la garantie d'un milliard de dollars de prêts, un vote qui pourrait n'intervenir qu'à la fin mars.

"Cela prend toujours du temps de faire de bonne choses", a commenté Arseni Iatseniouk après un ultime rendez-vous, avec des sénateurs au Capitole.


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