Le Royaume-Uni et l'Europe, une relation houleuse et ambiguë
AFP
Bruxelles - Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill se déclare partisan de la création des "Etats-Unis d'Europe". Mais il a aussi prévenu que son pays préférera toujours "le grand large" au continent.
Sans cesse tiraillé entre l'Europe et une soif d'horizons lointains, le Royaume-Uni a ouvert avec le Brexit un nouveau chapitre de cette histoire tourmentée, après 47 ans d'union.
La Grande-Bretagne n'a pas toujours été une île. Jusqu'au VIIè millénaire avant J-C, elle était reliée au continent par un territoire appelé "Doggerland".
Depuis le temps des Celtes, son histoire est liée à celle de l'Europe.
L'île a été colonisée par les Romains en 43, comme le rappellent les vestiges du Mur d'Hadrien. Cette domination durera jusqu'au Vè siècle, cédant le terrain aux envahisseurs germaniques.
Le territoire sera ensuite victime de raids des Scandinaves, jusqu'à l'invasion normande de 1066, qui entraînera une francisation de la langue et de la culture.
Le schisme avec le pape sous Henri VIII, qui se proclame chef suprême de l'Eglise d'Angleterre, marquera une rupture.
Au 16è siècle, après la perte de Calais (1558) puis l'échec de l'Invincible Armada espagnole partie à la conquête de l'Angleterre, Elizabeth I va tourner résolument son pays "dans un mouvement à 180 degrés du continent vers les espaces maritimes où elle va affirmer sa puissance", rappelle François-Charles Mougel, auteur d'"Une histoire du Royaume-Uni".
Avec un empire qui s'étendra au début du 20e sur un quart du globe, du Canada à l'Australie, en passant par l'Inde, l'Europe perd de son intérêt aux yeux d'un royaume enfin unifié.
En 1815 à Waterloo, Napoléon, qui a voulu ruiner l'économie de l'île avec son blocus, est défait par les Anglais et les Prussiens. Il s'écoulera un siècle avant que l'armée britannique ne revienne sur le continent.
Le Royaume-Uni entre dans la Première Guerre mondiale après la violation de la neutralité de la Belgique qu'il s'était engagé à défendre. En 1939, il déclare la guerre à l'Allemagne après l'invasion de la Pologne.
Churchill prend soin d'avertir qu'il s'agit de se battre "pour sauver le monde de la peste de la tyrannie nazie", au nom des "valeurs sacrées de l'humanité" que Londres entend défendre bien au-delà de l'Europe.
Convaincus que leur système de valeurs n'a pas été touché par la guerre, les Britanniques n'ont nulle intention de s'identifier à un continent humilié et qui a payé "le prix de ses folies totalitaires et de ses erreurs", souligne M. Mougel.
Ils se sont aussi sentis protégés pendant des siècles par leur insularité. Un sentiment resté ancré dans les esprits malgré l'arrivée des armes modernes puis du tunnel sous la Manche (1994).
Dans les années 1960-70, les Britanniques "se sont convertis d'une façon modérée et hésitante à l'Europe à un moment où leur économie était dans une mauvaise passe face à un continent en bonne santé", explique l'historien Maurice Vaïsse.
Mais le général de Gaulle va par deux fois mettre son veto à la demande d'adhésion (1963 et 1967), inquiet pour l'agriculture française et craignant que le Royaume-Uni ne soit le cheval de Troie des Etats-Unis.
"Sur le tas de fumier il n'y avait qu'un seul coq, c'était la France. Si les Britanniques entrent il y en aura deux et cela ne marche pas", résumait son ministre de l'Agriculture Edgard Pisani, rappelle l'historien.
Il faudra attendre la présidence de Georges Pompidou pour voir le Royaume-Uni rejoindre la CEE en 1973.
L'Europe s'est constituée autour d'un idéal de paix. Face aux miracles allemand et français, les Britanniques y voient avant tout un aiguillon de leur modernisation économique.
"Pour Margaret Thatcher, ce qui était important c'était le marché unique. Ils ont taillé dans l'acquis européen une Europe à leur convenance", souligne M. Mougel.
Londres poussera à l'élargissement avec en ligne de mire une zone de libre-échange la plus grande possible.
En revanche, pas question d'approfondir l'Union entre les Etats, qui porterait atteinte à leur sacro-sainte souveraineté, ou d'en faire un contrepoids politique et militaire face aux autres puissances, au détriment de la relation spéciale avec Washington.
Après le refus de participer au système monétaire européen en 1979, suivront celui des accords de Schengen sur la libre circulation en 1985, puis de l'euro en 1993.
En 1984, Margaret Thatcher remportera la bataille sur le rabais britannique qu'elle a réclamé avec un retentissant "Rendez-moi mon argent".
Face à la montée de l'euroscepticisme, y compris au sein de son parti, David Cameron promet de renégocier les conditions du maintien du Royaume-Uni dans l'UE, en particulier sur la libre circulation, et d'organiser un référendum.
Ce vote de juin 2016 lui sera fatal et lancera le processus de divorce. Après une saga de trois ans et demi qui emportera la Première ministre Theresa May dans sa tourmente et propulsera au pouvoir Boris Johnson, la séparation avec Bruxelles est devenue effective à 23H00 GMT vendredi.
La Grande-Bretagne n'a pas toujours été une île. Jusqu'au VIIè millénaire avant J-C, elle était reliée au continent par un territoire appelé "Doggerland".
Depuis le temps des Celtes, son histoire est liée à celle de l'Europe.
L'île a été colonisée par les Romains en 43, comme le rappellent les vestiges du Mur d'Hadrien. Cette domination durera jusqu'au Vè siècle, cédant le terrain aux envahisseurs germaniques.
Le territoire sera ensuite victime de raids des Scandinaves, jusqu'à l'invasion normande de 1066, qui entraînera une francisation de la langue et de la culture.
Le schisme avec le pape sous Henri VIII, qui se proclame chef suprême de l'Eglise d'Angleterre, marquera une rupture.
Au 16è siècle, après la perte de Calais (1558) puis l'échec de l'Invincible Armada espagnole partie à la conquête de l'Angleterre, Elizabeth I va tourner résolument son pays "dans un mouvement à 180 degrés du continent vers les espaces maritimes où elle va affirmer sa puissance", rappelle François-Charles Mougel, auteur d'"Une histoire du Royaume-Uni".
Avec un empire qui s'étendra au début du 20e sur un quart du globe, du Canada à l'Australie, en passant par l'Inde, l'Europe perd de son intérêt aux yeux d'un royaume enfin unifié.
En 1815 à Waterloo, Napoléon, qui a voulu ruiner l'économie de l'île avec son blocus, est défait par les Anglais et les Prussiens. Il s'écoulera un siècle avant que l'armée britannique ne revienne sur le continent.
Le Royaume-Uni entre dans la Première Guerre mondiale après la violation de la neutralité de la Belgique qu'il s'était engagé à défendre. En 1939, il déclare la guerre à l'Allemagne après l'invasion de la Pologne.
Churchill prend soin d'avertir qu'il s'agit de se battre "pour sauver le monde de la peste de la tyrannie nazie", au nom des "valeurs sacrées de l'humanité" que Londres entend défendre bien au-delà de l'Europe.
Convaincus que leur système de valeurs n'a pas été touché par la guerre, les Britanniques n'ont nulle intention de s'identifier à un continent humilié et qui a payé "le prix de ses folies totalitaires et de ses erreurs", souligne M. Mougel.
Ils se sont aussi sentis protégés pendant des siècles par leur insularité. Un sentiment resté ancré dans les esprits malgré l'arrivée des armes modernes puis du tunnel sous la Manche (1994).
Dans les années 1960-70, les Britanniques "se sont convertis d'une façon modérée et hésitante à l'Europe à un moment où leur économie était dans une mauvaise passe face à un continent en bonne santé", explique l'historien Maurice Vaïsse.
Mais le général de Gaulle va par deux fois mettre son veto à la demande d'adhésion (1963 et 1967), inquiet pour l'agriculture française et craignant que le Royaume-Uni ne soit le cheval de Troie des Etats-Unis.
"Sur le tas de fumier il n'y avait qu'un seul coq, c'était la France. Si les Britanniques entrent il y en aura deux et cela ne marche pas", résumait son ministre de l'Agriculture Edgard Pisani, rappelle l'historien.
Il faudra attendre la présidence de Georges Pompidou pour voir le Royaume-Uni rejoindre la CEE en 1973.
L'Europe s'est constituée autour d'un idéal de paix. Face aux miracles allemand et français, les Britanniques y voient avant tout un aiguillon de leur modernisation économique.
"Pour Margaret Thatcher, ce qui était important c'était le marché unique. Ils ont taillé dans l'acquis européen une Europe à leur convenance", souligne M. Mougel.
Londres poussera à l'élargissement avec en ligne de mire une zone de libre-échange la plus grande possible.
En revanche, pas question d'approfondir l'Union entre les Etats, qui porterait atteinte à leur sacro-sainte souveraineté, ou d'en faire un contrepoids politique et militaire face aux autres puissances, au détriment de la relation spéciale avec Washington.
Après le refus de participer au système monétaire européen en 1979, suivront celui des accords de Schengen sur la libre circulation en 1985, puis de l'euro en 1993.
En 1984, Margaret Thatcher remportera la bataille sur le rabais britannique qu'elle a réclamé avec un retentissant "Rendez-moi mon argent".
Face à la montée de l'euroscepticisme, y compris au sein de son parti, David Cameron promet de renégocier les conditions du maintien du Royaume-Uni dans l'UE, en particulier sur la libre circulation, et d'organiser un référendum.
Ce vote de juin 2016 lui sera fatal et lancera le processus de divorce. Après une saga de trois ans et demi qui emportera la Première ministre Theresa May dans sa tourmente et propulsera au pouvoir Boris Johnson, la séparation avec Bruxelles est devenue effective à 23H00 GMT vendredi.