Le congé maternité est-il un luxe ?
Le Monde.fr/Sandrine Blanchard
Le congé maternité serait-il un luxe ? "Chérie, arrête de dire que tu es fatiguée, t'as vu Rachida !", deviendra-t-elle la nouvelle blague misogyne du moment ? Cinq jours seulement après son accouchement, la garde des sceaux, Rachida Dati, a repris le travail dans un timing impressionnant.
Les femmes devraient-elles prouver que donner naissance à un enfant n'empêche en rien de s'arrêter de travailler et qu'un accouchement ne serait finalement qu'un rendez-vous parmi d'autres dans un agenda ? Pour Mme Dati, tout semble avoir été programmé dans les moindres détails. Le choix de la clinique de la Muette, un établissement huppé du 16e arrondissement, n'est pas étonnant. Dans cette maternité, 43 % des accouchements se font par césarienne, un record en France. La petite Zohra est née le 2 janvier, par césarienne. Une date qui a permis à sa maman de ne rien modifier à son agenda de ministre. C'était la trêve de fin d'année et la veille d'un week-end.
Le congé maternité a été un long combat. Il n'est rémunéré à hauteur de 90 % du salaire brut que depuis 1970. Et les femmes exerçant une profession libérale ou les agricultrices ont dû se battre pour obtenir un congé décent. Depuis 1992, une directive européenne oblige les Etats membres à garantir un minimum de quatorze semaines de congé maternité. En octobre 2008, la Commission européenne a proposé de porter cette durée minimale à dix-huit semaines. "Nos propositions aideront les femmes à concilier vie professionnelle et vie de famille", a fait valoir Vladimir Spidla, commissaire européen à l'emploi, aux affaires sociales et à l'égalité des chances. Mme Dati, elle, ne s'est accordé que quatre petits jours dans un pays où les femmes bénéficient de seize semaines de congé maternité.
Une première ? En juillet 1992, Ségolène Royal posait dans Paris Match à l'hôpital avec Flora dans les bras et ses dossiers de ministre de l'environnement sur son lit. La jeune femme de 38 ans, déjà mère de trois enfants, assumait, notant qu'on l'avait interrogée sur son remplacement lors de l'accouchement, "comme si le fait d'être enceinte était incompatible avec la gestion d'un ministère". "Je voulais montrer, expliquait-elle, qu'une femme accédant à des responsabilités pouvait concilier maternité, vie affective et métier."
Est-ce ainsi qu'on défend la cause des femmes ? Quelle image des femmes et de la naissance renvoie cette maternité express ? Etre une superwoman qui reprend le travail à peine remise de son accouchement est-il le must de la femme moderne ou une illustration du "travailler plus pour gagner plus" ? A moins que Mme Dati ait eu peur de perdre son emploi... Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas concocté le projet de supprimer le juge d'instruction alors que la garde des sceaux était à la maternité ? Le travail de ministre est un travail précaire. Peut-être Mme Dati prévoit-elle d'avoir bientôt plus de temps pour s'occuper de Zohra. Ou peut-être est-ce le père qui a pris ses quinze jours de congé paternité pour s'occuper de la petite. Ça, ce serait vraiment moderne !